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07 Aug

La Madame Geneviève de mon enfance...

Publié par Circé  - Catégories :  #Enfance et Souvenirs, #Ecriture, #Choniques Circéennes

La Madame Geneviève de mon enfance...

Le temps…

 

Le temps, celui qui nous est accordé et qui file, inexorablement...
Les graines de son sablier s’écoulent, saluant chaque anniversaire.

 

De plus en plus nombreuses en son niveau inférieur, libérant l’opalescence de son frère jumeau posé en son exact opposé. Les images du passé, fantômes doux-amers peuvent alors y virevolter en toute liberté. Instant nostalgie. Et je n’y échappe pas.

 

Mes souvenirs d’enfance sont arcs en ciel, feux d’artifice odoriférants et colorés, peuplés d’images en bouquets : blés mûrs ondoyant où s’épanouissent coquelicots aux calices pourpres et marguerites timides en robes blanches, tandis que des bleuets dressés tentent de se faire place à leurs côtés. Des odeurs de poussière après moisson ou de terre mouillée après un bel orage d’été m’envahissent… Et sautent en ombres diaphanes des sauterelles cabriolant sous le vol azuré des hirondelles tandis que des papillons farceurs et audacieux se posent sur mon épaule. Des lieux, des visages, des personnages dansent en ma mémoire, et leurs prénoms aujourd’hui surannés résonnent à mes oreilles : Marcel, Maurice, Pierrette, Max, Jean, Marie, Paulette, Marinette, Robert…

 

Et puis aussi Geneviève. Geneviève et son Jeannot, personnages qu’Audiard n’aurait pas reniés. Les faire revivre, à sa manière, ou s’y essayer…

 

« La Geneviève de mon enfance était la vieille fille du village où créchaient mes grands-parents. Même qu’elle était demoiselle des Poste, Télégraphe et Télécommunication. C’était estampillé sur la blouse bleue qu’elle portait au turbin. L’avait les douilles blanches, coupées courtes, avec les reflets bleutés des rombières du cru, le tarin chaussé d’une paire de lorgnons cerclés d’argent et l’attifement qui allait avec ; chemise boutonnée ras du col, jupe cachant ses genoux, bas anti-varices et mocassins bien plats. L’avait l'air toujours pincé, mais en vrai, elle était bonne fille.

 

Mais la pauvre belle plante n'avait toujours point servi à 50 carillons d'années sonnés. Tout çà à cause de sa vioc de daronne qui voulait pas qu'elle lui fausse compagnie, « ct' égoïste de Geneviève »…


Après tout ce qu'elle avait fait pour elle, qu’elle disait lorsqu’un galant osait approcher sa rejetonne. Elle avait tout sacrifié pour sa poularde de fille, qu’elle disait la matouse. Même qu'elle était restée douairière, après la der des der, tout çà pour pas qu'un loufiat de purge d' beau-père vienne pas y abîmer la foufoune à la Geneviève...

 

Le temps fit son œuvre, et un matin, elle ne se réveilla point. La Geneviève ne put que constater qu’elle avait passé l’arme à gauche dans son sommeil. Elle la pleura bien, juste ce qu’il faut car elle était reconnaissante à celle qui lui avait laissé un peu de biens : Une petite bicoque proprette et le potager qui va avec, plus quelques arpents de terre laissés en métayage.

 

Mais la solitude lui pesait.

 

A quelques mois de là, assez pour que sa période de deuil soit passée, la Madame Geneviève de mon enfance, a trouvé un jour sa moitié. C’était pendant les fêtes du 14 juillet. Après le banquet, le gros rouge qu’elle avait bu juste assez pour suivre de concert la compagnie de tous les convives, qui n’étaient autres que tous les habitants de la commune, elle avait accepté de danser avec le vieux gars du village d'à côté. C’était un grand gaillard, bâti comme un forgeron, les pognes comme des battoirs, plutôt beau gonze avec de jolis yeux verts.

 

Seul hic car il y en avait un, l'était un peu bas de plafond, pas très dégourdi, l'œil toujours lorgneur du côté des croupes avenantes ou des girons appétissants de toutes les donzelles à portée de regard.

 

Et le bagout fleuri du sieur Jean(c'était son prénom) était à l'envi :
- " Oh...oh...oh...r'garde dont, mais r'garde dont moi ça...
Ah si je m' retenais pas j' lui m'ttrais bien une bonne poussée à c'te gamine..." qui disait en se tapant les louches sur les gigots.
- " Non mais r'garde moi ça, c'est-y pas possible d'avoir le croupion en feu comme çà ! » qui rajoutait tout en interpellant la gamine de verte façon : « Eh, tu veux pas tâter d'ma lance à incendie (il était pompier volontaire), viens donc par ici que j't'arrose le jardinet, mon poireau ne d'mande que çà… »


Et je ne vous dis là que le plus gracieux .

 

Car à sa Geneviève de femme, après s'être bien émoustillé le tempérament et avoir quelques problèmes du côté de sa braguette il claironnait ensuite, même en public :
- " Geneviève, Geneviève, viens t'en par ici que j’ te baise..."
Celle-ci gloussait alors faussement effarouchée :
- "Oh Jeannot, voyons, pas devant tout le monde..."

 

Il n'y avait pas plus romantique que ces deux-là.

 

La demoiselle des postes et son Jeannot de monteur sur chaîne (je ne plaisante pas, c'était son métier ) faisaient ainsi les beaux jours et l'amusement de tout le village.

 

Faut dire que Dame Geneviève voyait rouge dès que froufroutait un jupon à l'horizon de son Jeannot de mari. Sous les flots et feux nourris de paroles de sa femme, transformée alors en furie (elle était en dehors de ces moments de jalousie d'un tempérament placide) il s'enflammait aussi vite que l'amadou. Aux gifles, coups de griffes et morsures que lui infligeait celle-ci, répondaient des petites tapes qu'il lui assénait d'une main sur le croupeton tandis qu'il amarrait l'autre à l'un de ses volumineux tétons. Remue-ménage, grands soupirs, halètements, coups de muletas bien assénés avant que d'en finir crescendo par l'estocade suprême et son bouquet final de roucoulades et rires étouffés.

 

C'était le spectacle des soirs d'été.

 

Car il y avait toujours curieusement vers chez eux en fin de journée, à la fraîche, de nombreux promeneurs qui s'esbaudissaient, les malappris, de leurs joutes verbales et amoureuses.

 

Certains paillards n'hésitant pas à zieuter (les fenêtres étaient ouvertes) pour ensuite commenter égrillards les figures imposées, libres, acrobatiques et ahanements de rigueur, au café du coin où ces messieurs se retrouvaient nuitamment pour deviser gaiement sur leurs bruyants ébats.

 

Ils avaient d'ailleurs créé pour l'occasion un barème de points et notations qui n'avait rien à envier à l'échelle de Richter. "

 

Voilà, mes souvenirs, vrais ou enjolivés, arrangés…


Mes vacances d’été, il y a bien des années, joyeuses et naturalistes. Geneviève et Jeannot, ombres drolatiques d’un passé révolu, mais me donnant sourires au coin des lèvres.

 

D’autres 14 juillet, pour tenter d’effacer celui de cette année.

 

 

 

 

 

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M
Ma chère Dominique, je suis heureuse de te lire à nouveau. Je connais bien ta Geneviève ! Sans rire, tu retrouveras au Voison les souvenirs de notre enfance. Je t'embrasse tout doux
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N
En riant je me tiens les côtes... <br /> Ma foi vous écrivez mieux que Cnabum, avec de l'humour en plus...<br /> Dommage que ce soit une fois l'an... Lui, c'est tous les jours !<br /> :-)<br /> L. Hatem
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C
Je suis conseillère municipale d'opposition depuis 2014, date à laquelle j'ai démissionné de ma fonction de Présidente du Planning Familial du Loiret (engagement de campagne),. mais bien entendu toujours adhérente de cette association Administratrice représentante des locataires chez un bailleur social par ailleurs, élue depuis juin dernier au Conseil National de mon parti... Et dernièrement, O.Carré, Maire d'Orléans, qui a bien voulu me confier une mission pour faire l'état des lieux de l'accueil des femmes et de leurs enfants victimes de violence, à Orléans. Ce qui marche ou non et de faire des propositions. Une mission très riche et intéressante, avec la volonté de part et d'autre de faire bouger les choses. <br /> <br /> Mais bref, pas envie d'en dire plus, car peu importe le CV. Simplement, moins de temps pour l'écriture. J'avoue que je le regrette souvent. Et je me dis, que j'aurai tout le temps après...
N
Non, je ne savais pas que vous êtes élue...<br /> :-)
C
Merci L'Hatem.<br /> <br /> Pour moi, l'écriture ne peut être que plaisir et envie. Et aussi en avoir le temps.<br /> Je suis, je pense que vous le savez, par ailleurs militante, élue depuis 2014 et engagée de terrain. Et trop souvent, une journée ne me suffit pas pour faire tout ce qui devrait être fait. <br /> <br /> Aussi, ceci peut peut-être expliquer cela. <br /> Enfin, je ne suis pas une écrivaine compulsive, les yeux rivés sur les compteurs de lecture, distribuant bien confortablement installée dans un fauteuil et derrière un clavier, les bons et mauvais points. Cette posture ne me convient pas. J'ai besoin de vie réelle, d'actions pour faire bouger, même petitement notre société. J'y arrive aussi, petitement, mais une chose, plus une autre plus...<br /> <br /> Bref, finalement, peu importe. Chacun-e faisant tel-le qu'il ou elle est.<br /> A bientôt.
J
Nous sommes tous enfants de c (mes) es gens-là !
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C
Oui. Notre enfance et tous les personnages croisés, qui la peuplent, c'est ce qui nous construit. Et j'avais besoin d'un peu de légèreté, même nostalgique. Incroyable circonstance, voulant illustrer ce billet d'un lieu de mon enfance, tapant le nom du village, je suis tombée sur... la maison de ces deux personnages, qui était en vente !

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" Pourquoi une Femme entière ne serait-elle qu'une moitié ? "