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22 Jul

Graine de Terroriste... (II)

Publié par Circé  - Catégories :  #Chroniques Circéennes, #Enfance et Souvenirs

 " Un petit frère... Encore un petit frère... Non, ce n'était pas possible, pas encore un garçon, pas un troisième, non... ! "

 

Les désespoirs enfantins sont souvent muets. Je n'échappe pas à cette règle. Entre pleurs et sanglots silencieux, les mots tourneboulent et dansent une méchante pantomime en ma cervelle d'enfant. Ils y résonnent en de pénibles échos, tonnent et fulminent en sourdine... Les mots exaspérants se font maux: Garçon, garçon...

 

Le moulin à crève-coeur mugit :

" Pfff... Mais ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible ! Je suis sure qu'elle l'a fait exprès ! Oui, j'en suis certaine, d'abord... Juste pour m'embêter...Et le lendemain de mon anniversaire en plus... Mais pourquoi est-ce qu'elle a fait cela, pourquoi est-ce qu'elle ne m'aime pas, pourquoi encore un garçon ? ..."

" Elle le savait pourtant que je voulais une petite soeur...Que je voulais devenir la grande soeur d'une plus petite... Mais non, ce n'est pas possible, elle a encore fait un garçon..."

 

Submergée par la désillusion, le coeur au bord des larmes et la mine déconfite, je me précipite telle une diablesse en perdition hors de la cuisine. Laissant en plan petit déjeuner et tartines sous les regards ébahis de mes frères et de ma grand-mère, bousculant au passage mon jeune oncle qui pénétrait dans la pièce, me prends les pieds dans ses grandes jambes, trébuche, me relève rageusement et repars en courant. Je les laisse tous pantois.

 

Le réconfort de la grange m'attend. Et plus particulièrement celui du cagibi aménagé par mon grand-père et où je me réfugie à chaque fois que je veux m'isoler. Et il est immense en cet instant ce besoin de solitude. Etre seule, ne voir personne, garder silence à l'heure où un incommensurable chagrin m'envahit, et se transforme en colère froide.

 

- " Elle me déteste ? Et bien moi aussi je la déteste, puisque c'est comme cela, je ne veux pas les voir, ni elle, ni...l'autre..."

 

                                                   ...

 

Depuis combien de temps étais-je là ? Je ne sais plus. La porte s'ouvre doucement et ma tante passe sa tête dans l'encoignure de la porte.

 

- " Toutoune, tu es là ? ... Allez, viens nous rejoindre. Je comprends que tu sois déçue, mais tu sais ta Maman n'y est pour rien, ce n'est pas de sa faute, elle-aussi aurait sans doute préféré avoir une petite fille, mais ce n'est pas ainsi que cela se passe. Jusqu'à la naissance de Fredo, elle ne savait pas que ce serait un garçon...

 

Je fais silence... Tout en notant avec dépit que celui que l'on m'annonce tout juste quelques heures auparavant comme mon troisième petit frère a déjà un surnom. A peine né et déjà, il est là, prend sa place dans la famille... Il est là et bien là !

 

Sur un ton apaisant et caressant ma Tante continue à me parler, tentant d'effacer ce chagrin qu'elle devine immense. Mais comme à chaque fois, le mutisme est ma prison invisible.

 

Elle finit par me prendre par la main.

 

- " Allez viens, on va danser le twist avec Pépée. On va écouter Chubby Checker, les Suprêmes, le 45T des Beatles que je viens d'acheter, et puis aussi Richard Anthony, Franck Alamo , allez viens...

 

Pépée, c'est ma cousine, elle a juste deux ans de plus que moi tandis que ma Tante resplendit dans sa dix-huitième année qu'elle fêtera en août prochain. Je l'adore. J'aurais tellement aimé qu'elle soit ma grande soeur.

 

Je sors de mon refuge en sa compagnie. Nul commentaire pour m'accueillir. Chacun connaît le caractère sourcilleux qui me conduit en cette extrêmité taiseuse. Alors comme si de rien n'était, la journée se poursuit. Pourtant, dans mon petit crâne d'enfant ma décision est prise : Ma mère n'est plus ma mère, et je n'ai pas de troisième frère.

 

C'est ainsi que va se poursuivre l'été, entre baignades à la rivière, écoutes des derniers tubes via l'émission de radio Salut Les Copains que nous n'aurions manqué pour rien au monde, son indicatif qui nous fait  littéralement entrer en transe, et puis les balades en vélo à sillonner la campagne environnante, les véritables balades et puis les autres, celles qui servent, par ma présence, d'alibis à ma Tante et son amie Annie pour rencontrer leurs petits amis justement...

 

Juillet et sa fête nationale, le 14 juillet et ses pétards, sa retraite aux lampions, son bal avec tout le village réuni dans la cour de l'école communale, et puis aussi la séance bi-mensuelle de cinéma, la projection des "Tarzan" dans la salle située à l'arrière de l'hotel des voyageurs... Rires, cris, danses, bouderies, orages et soleil d'été, moissons, vacances...

 

Août s'annonce, comme la visite prochaine de mes parents et de "l'autre"...

 

Graine de Terroriste... (II)
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" Pourquoi une Femme entière ne serait-elle qu'une moitié ? "