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28 Dec

La Margotte au Georges. (IX)

Publié par Circé  - Catégories :  #Ecriture, #Chroniques Circéennes, #Enfance et Souvenirs, #Nouvelle

La porte du poulailler était restée entrouverte. Sur les six gallinacées qu'il comptait, deux s'en étaient déjà échappées et au potager, se délectaient avec gourmandise de belles salades que Louise s'apprêtait à cueillir. Surprise et agacée, elle les en chassa puis les poussa à regagner leur basse-cour enclose.
 

Ce fut, comme à chaque fois que cela se produisait, une belle débandade, comme seules savent les provoquer les poules. Mais les volatiles récalcitrants, après avoir donné bien des suées à Louise, finirent par réintégrer leur bercail. Elle vérifia alors que le loquet du vantail était soigneusement abaissé, et que la porte ne risquait pas de se rouvrir malencontreusement. Puis elle retourna à la cuisine pour se servir de nouveau, à l'une des deux cafetières en émail posées sur le rebord de la cuisinière, un grand bol de café noir fumant.

 

Maurice, son mari, n'avait pas son pareil pour préparer le délicieux breuvage, auquel il rajoutait quelques grains de chicorée. D'ailleurs, il ne laissait à personne le soin de le moudre, ou de le préparer. C'est assis sur une chaise, le moulin à café bien calé entre ses deux cuisses, qu'il commençait par en broyer soigneusement les grains. L'un des secrets de son café, disait-il, résidait dans la manière régulière et appuyée, qu'il avait de le moudre. Puis, il récupérait la poudre dans le compartiment situé sous la broyeuse du moulin, pour la répartir régulièrement, dans les deux filtres en émail des deux cafetières qu'il préparait chaque matin. Et bien évidemment, il lui fallait bien le contenu de deux moulins pour se faire. Puis il faisait chauffer l'eau dans une grande casserole, jusqu'à ce qu'elle soit frémissante, et la versait alors délicatement à l'aide d'une louche sur le café bien tassé. Celui-ci devait s'en imbiber et gonfler. Ce qui lui permettait ensuite, de délivrer tous les puissants arômes de la plante torréfiée, lorsque cette étape cruciale franchie, l'eau serait ajoutée en plus grande quantité. Il surveillait de très près ces différentes phases, et pour qui avait bu son café, chacun s'accordait à dire que c'était un véritable élixir matinal, goûteux en bouche, suave au palais, et qui mettait au cœur entrain et bonne humeur.

 

C'est ce qu'il fallait à Louise pour dissiper la contrariété qu'elle venait de subir. Ce n'était pas la première fois qu'elle récupérait au jardin poules et lapins échappés du poulailler ou des clapiers. Les petits avaient dû une nouvelle fois aller trop vite ce matin pour nourrir les animaux, et n'avaient pas pris la peine de vérifier, une fois leurs taches accomplies, que tout était bien fermé.
 

Il est vrai que c'était aujourd'hui une journée particulière... Maurice devait rejoindre à leur ferme, les parents de leurs copains Jacques et Marinette. Il allait leur prêter main forte pour tuer le cochon. Et les enfants, comme tous les autres enfants des adultes présents, étaient de la partie. Cet événement était donc pour eux, un quasi jour de fête.
 

En effet, tandis que les adultes se réuniraient pour estourbir l'animal, le saigner, lui passer rapidement le cuir au gril avant que de le découper pour en faire rôtis, jambons, rillons, rillettes, boudins et autres charcuteries, les enfants s'égailleraient dans la nature pour finir à la rivière où ils ne manqueraient certainement pas de se baigner, par cette belle journée d'été.
 

Même s'ils n'avaient pas de maillot de bain, les slips et autres culottes feraient l'affaire. Il s'agirait juste de ne pas trop traîner dans la vase, histoire de ne pas se faire houspiller plus qu'il ne fallait en rentrant. Sinon leurs mères ne manqueraient pas de rouspéter en voyant les traces bien marquées de leurs fonds de culottes, et ce ne serait pas chose aisée pour elles que de les faire disparaître. Certaines n'hésiteraient d'ailleurs pas à demander au galopin pris en défaut de laver lui-même sa culotte au baquet et de faire usage comme il se doit de la brosse pour éliminer toute salissure.
 

En soirée, tout le monde mangerait sous le hangar, à la grande table dressée pour l'occasion, et ils écouteraient encore les histoires des adultes. Pour peu que l'un d'entre eux ait rendu un culte un peu trop appuyé au Dieu Bacchus, les anecdotes égrillardes ne manqueraient pas de fuser. Et ils en riraient tous, eux les enfants, en se mettant les mains sur la bouche pour ne pas se faire remarquer. Les histoires de gaudrioles les amusaient beaucoup, mais il fallait rester finauds pour ne pas risquer de se faire chasser de la table des enfants, pourtant séparée de celle des adultes.
 

Quant à Louise et Georges, ils devaient les rejoindre dans l'après-midi.
 

Georges venait de pénétrer dans la cuisine. Il se servait, en guise de petit déjeuner qu'il n'avait pas encore pris, une large tranche de pain de campagne qu'il venait d'agrémenter d'un généreux morceau de fromage de chèvre. Alors que Louise lui racontait sa mésaventure, elle le vit tressaillir soudainement, pour l'interrompre tout aussitôt dans son récit : - " Et Margotte, tu as vu Margotte ? Elle est encore là ? "


Sa mère lui avoua n'y avoir guère prêté attention, occupée qu'elle était à faire rentrer les poules au poulailler. Georges laissa alors tomber plus qu'il ne la posa sa tartine de pain et de fromage sur la table et partit en courant vers le fond du jardin. Ce qu'il redoutait s'était produit : Margotte s'était échappée. Elle n'était plus là.


Comme un fou, il fit le tour du jardin, appela l'oiseau, siffla, fit silence, écouta s'il entendait en guise de réponse quelque jacassement, recommença. Mais rien. Le temps lui semblait épouvantablement long. Il se dirigea alors vers le mur d'enceinte et lorgna du côté du jardin de Mme Gudule. Margotte y ayant déjà fait quelques frasques, peut-être était-elle retournée sur les lieux de son premier crime ? Mais il ne la vît pas. Il reprît ses appels et stridulations auxquels Margotte d'habitude, finissait par répondre. Mais toujours rien.


Cependant du côté de la cour de Mme Germaine, il semblait bien y avoir de l'agitation.


Depuis le matin, celle-ci était occupée à l'élaboration de ses confitures de fraise. Comme nombre dans le village, elle avait un réchaud dans sa buanderie qui servait à toutes sortes de travaux. Bien évidemment la lessive, où chauffaient le linge dans de grandes lessiveuses, à champignon et en zinc, mais aussi toutes les conserves et confitures.


Et c'était là, à très petits bouillons que cuisait dans le chaudron en cuivre, la précieuse préparation faite de fraises et de sucre. Le fumet délicieux qui s'en dégageait et embaumait les alentours, ne laissait d'ailleurs planer aucun doute sur ce qui y mijotait.


Dans sa cour Mme Germaine avaient deux vénérables pommiers qui avaient poussé côte à côte et dont les branches et feuilles s'entrelaçaient curieusement. Mais cela faisait en été, une agréable frondaison sous laquelle il était agréable de s'y reposer, d'y boire une boisson fraîche ou encore d'y manger. C'était coutume dans les fermes d'avoir une table à l'extérieur durant la belle saison, et chez Mme Germaine, comme chez les parents de Georges, cette agréable tradition était respectée.


C'était donc là qu'elle avait placé en rang serré les pots de verre qui devait recevoir la confiture, ainsi que les papiers de cellophane qui devaient les recouvrir. Pour finir, elle avait ouvert le sachet d'élastiques colorés qui devaient, une fois mis en place, maintenir les récipients hermétiquement fermés.

 

 


 

 


 

 

La Margotte au Georges. (IX)
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