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04 Nov

De l'intolérance ordinaire...Des Bleus à l'âme.

Publié par Circé  - Catégories :  #Société, #Intolérance, #Bleu-Marine

Le train ondule, toussote, crachote, bringuebale et tangue de gare en gare.

Celui de 12H26 m'a passé sous le nez. Ou plutôt devrais-je avouer que je n'ai pas anticipé que nous étions un jour férié. Et comme pour le dimanche, son départ était donc en gare de Fleury les Aubrais, et non pas à partir d'Orléans.

Trop peu de temps pour rejoindre Fleury, alors tant pis. Le tortillard serait mon lot. Tant pis aussi pour cet ami avec qui je devais voyager de concert jusqu'à Paris.

Pas moins de 12 arrêts jusqu'à l'arrivée, mais encore une fois tant pis, je prendrai donc mon mal en patience.

Et puis, peut-être récupérerai-je ainsi de ma joyeuse et agréable soirée de la veille, passée avec une amie, où nous avons dégusté, siroté un petit vin italien fort mutin qui chantait autant en nos bouches qu'en nos têtes.

C'est donc le regard perdu au loin que je me laisse porter par les mouvements de balancier du train qui serpente de gare en gare. A peine le temps de démarrer, que déjà une station nous met à l'arrêt. Les voyageurs descendent ou s'installent dans le wagon au gré de leurs pérégrinations.

Des deux femmes que nous étions ma voisine de carré, séparée par l'allée centrale, et moi-même, au départ d'Orléans, le compartiment compte désormais un nombre conséquent de passagers. La tête collée à la vitre, je sommeille, piquant parfois du nez, tandis qu'elle est plongée dans ce qui semble être un passionnant roman.

En gare d'Etampes, la voiture prend cette fois une allure de train de banlieue en passe d'être bondé. Les places se font rares, et celles inoccupées de nos deux carrés se voient vite accaparées par trois personnes aux tempes grisonnantes, la soixantaine bien sonnée, pour ne pas dire qu'elles abordent une honorable septantaine quoique...

L'homme laisse tomber sa haute stature sur le siège me faisant face, côté allée, cuisses écartées, jambes imposantes et envahissantes. Le siège d'à côté se soulève, tandis que celle qui ne peut qu'être sa femme, telle une petite souris prend place à mes côtés en lui faisant face. Le dos voûté, dans une attitude quasi servile, à voix basse et suppliante elle lui demande de se calmer, tandis que l'autre tonitrue de plus belle.

La troisième personne, une femme, visiblement de leurs amis ou parentèle s'ést placée en décalé face à ma voisine. Et elle-aussi commence à ronchonner avant que sa voix n'atteigne des aigus qui en tous points répondent aux basses agressives du sieur mal élevé, ici installé.

Et cela y va des remarques et traits vindicatifs à l'attention de ma voisine. Cela sent la réaction et le propos nauséabond à plein nez :

- " Ah, elle est belle la France tiens, c'est çà, c'est çà la liberté, tout le monde fait ce qu'il ou elle veut, sans respect aucun pour les autres. Et pourquoi donc qu'on se gênerait hein ?..."

La petite souris essaie bien de l'amadouer timidement, posant sa main doucement sur sa cuisse en lui demandant de se calmer, de ne pas faire d'esclandre. Ce n'est que peine perdue, puisque l'autre parenté attise le véhément et désagréable personnage par des propos tout aussi fielleux :

- " Et alors, on ne vous a jamais appris la politesse et le respect, mais quelle sans sans-gêne, regardez-moi cela ! "

Visiblement ma voisine a commis grand crime aux yeux de ces déplorables personnages et qui équivaut sans aucun doute à crime de leurs lèse-majestés. Elle a en effet, étendu ses jambes, et surtout posé le talon de ses pieds déchaussés sur la banquette en face d'elle.

Surprise et par le ton, et par la virulence du propos, elle lève le nez de son ouvrage et très calmement leur demande si c'est après-elle qu'ils en ont...

Ce qu'ils ne manquent pas de confirmer, lui assénant de plus l'inconvenance de sa tenue.

Celle-ci a beau expliquer qu'elle a mal aux jambes, qu'elle s'est permise de se déchausser et de poser les pieds sur la banquette puisqu'il n'y avait personne, mais qu'elle est prête à leur laisser la place s'ils le souhaitent, rien n'y fait.

Juste une réponse venimeuse supplémentaire :

- " Hum, et qui nous dit que vous vous êtes lavée les pieds ce matin, hein, et qui nous dit que vous ne puez pas des pieds, hein ? Pourquoi ne vous couchez-vous pas sur la banquette tant que vous y êtes, hein ? ".

La dame tente de se défendre, prétend ne pas recevoir de leçon de conduite de personnes aussi peu aimables mais les échanges se font de plus en plus hostiles.

Lasse d'assister à cette scène ubuesque et surréaliste, je m'adresse alors à l'élément masculin de cette mauvaise bande :

-" Vous devriez vous calmer, Monsieur, vous nous frisez la crise d'apoplexie, là. Et puis vous allez sans doute nous faire aussi une crise cardiaque avant l'heure. Avouez que ce serait idiot non ?"

- " Ouais, ouais, c'est cela..." me répond-il, le ton un peu moins chargé d'orage, pour reprendre de plus belle en croisant le regard de l'allumeuse d'incendie, au grand désarroi de la petite souris qui ne sait plus où se mettre.

Lasse de cette ambiance, et surtout sentant à mon tour la moutarde me monter au nez, je me lève, prends mon gilet non sans avoir dit au détestable équipage ce que je pensais d'eux.

- " Bon, maintenant en voilà assez, je ne vais pas continuer à voyager avec des personnes aussi mal embouchées, mais avant de partir, je vais vous dire ce que je pense de vous ! Tout d'abord, cette dame n'a rien fait, rien fait de mal, commis aucun crime. Elle avait mal aux jambes et alors ? Et vous ? Vous êtes trois vieux ridicules et grossiers. On dit souvent que ce sont les jeunes qui sont agressifs et irrespectueux, mais pour le coup, c'est vous qui semez la pagaille ici, alors que le compartiment était très calme avant votre arrivée..."

Ma voisine croise alors mon regard, me remercie vivement, tandis que je lis dans ses yeux du soulagement. Les jeunes installés à proximité sont sidérés de la scène à laquelle ils viennent d'assister, me regardent interloqués, puis sourient en coin à mon passage tandis que l'un d'entre eux me fait un petit signe, pouce levé alors que je m'assieds trois banquettes plus loin, aux côtés d'une toute jeune femme.

D'un seul coup, le calme est revenu dans le wagon, C'est même silence radio.

Pourtant, mon cœur bat la chamade. Je suis mal, ma société va mal, en manque de repère, et où les pires attitudes réactionnaires sont en passe de devenir habituelles.

Le feu couve, je crains l'explosion.

Le bleu, le bleu marine...Que j'aimais cette couleur avant... Avant qu'elle ne soit détournée, dévoyée au profit d'une idéologie vert de gris.

J'aime le bleu, comme j'aime le rouge qui bouillonne en mes veines, le jaune soleil qui m'éclaire, le vert feuillage, le bleu azur, turquoise, toutes les couleurs de l'arc en ciel, et aussi le noir qui est tout couleur ou le blanc, qui n'en est pas une, justement, de couleur...

Que se passe-t-il, qu'arrive-t-il ? Sommes-nous donc devenus nos pires ennemis ? De nouveaux éradicateurs sont-ils en passe de voir le jour ?

J'ai mal, mal à ma société, mal à ma liberté, mal à ma solidarité, mal à mon humanité...

De l'intolérance ordinaire...Des Bleus à l'âme.
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" Pourquoi une Femme entière ne serait-elle qu'une moitié ? "