Mon village à l'heure du Ramadan (II) Voyage en Berbèrie...
Faire la sieste...Non mais faire la sieste ? Vous y croyez, vous ?
Dormir à poings fermés la nuit pour se réveiller vers les 09 heures du matin, en lieu et place d'un habituel et matinal 06 heures, puis s'assoupir en matinée dès le moindre instant de pause, pour sombrer ensuite dans une torpeur alanguie dès l'après-midi venu, vous y croyez, vous ?
Pourtant, c'est ce qui m'arrive...
Cela avait commencé dans l'avion qui m'emmenait en Terres Berbères, en Terres Kabyles pour être exacte. A peine avait-il décollé que déjà mes paupières se fermaient. Tout juste avais-je émergé au-dessus de Marseille, où j'avais reconnu en le survolant et en quittant les terres de France, le Vieux Port, le Mucem endroit où j'étais la semaine précédente. Pour replonger dans une léthargie quasi inhabituelle pour moi et me réveiller à l'annonce du commandant de bord déclarant qu'il entamait la descente de l'avion vers l'aéroport Abane Ramdane.
Il semblerait bien que je ne sois plus maitresse chez moi. En tout cas, plus de ce corps qui se révolte et me signifie rudement que je l'ai bien négligé, oublié, rabroué, ignoré, maltraité durant des semaines, des mois, et qu'il était temps pour lui de demander un minimum de considération. Droit qu'il s'octroie ainsi en me forçant au repos, à l'insu de mon plein gré.
Tout de même, être en Kabylie et dormir...
Bon, il est vrai que nous sommes en période de jeûne et qu'après tout, il semblerait bien que la vie du pays s'arrête pendant cette période, et que plus rien ne compte sinon : la bouffe !
Et la journée, ce ne sont qu'hommes affairés à faire des courses pour la préparation du repas du soir, symbole de la rupture du jeûne. Je dis bien "hommes", car en Kabylie, ce sont eux qui majoritairement font les courses. Nombre inversement proportionnel à celles qui prépareront le repas qui, au signal donné du haut d'un minaret, constituera ce qui sera la rupture du jeûne.
C'est une véritable schizophrénie qui saisit ce pays. Ne rien manger, mais ne penser qu'à cela, se contraindre au jeûne et attendre fébrile, de la mosquée la plus proche, le signal qui délivrera de cette interminable attente en cette période estivale.
Souvent je pense à Fellag. Sans aucun doute décrirait-il, et beaucoup mieux que moi, avec force talent et humour cette attente, imaginant pourquoi pas aux pieds des mosquées, une foule qui demanderait l'apparition du sauveur suprême des estomacs en attente...La manifestation des casseroles délocalisée du Canada en Algérie...
Mais pour l'heure, je vis donc à l'heure du Ramadan. Et entre deux assoupissements, j'observe via la télévision les us et coutumes en cette période. Et bien évidemment ce ne sont que débauches de...recettes culinaires, sur toutes les chaînes du Maghreb ou des pays du golfe persique, exécutées par des hommes (si, si, inversement proportionnel à la réalité que je vous dis ! ) et commentées par des femmes !
Le tout, une fois les recettes réalisées, dressé en une table digne des contes des Mille et un nuits. Pour l'occasion, ces dames commentatrices auront revêtu leurs plus beaux atours, et telles Schéhérazade, maquillées comme il se doit, yeux ombrageux, bouches outrageusement ourlées d'un coup de crayon, elles s'adresseront ainsi à leurs hôtes du moment, sur un ton inspiré, à la manière de Mireille Dumas psychanalysant son invité :
- " Alors votre premier souvenir de repas de Ramadan ? Vous aviez quel âge ? Quel impression en avez-vous gardé ? Quel sentiment fort avez-vous éprouvé ?..." etc, etc...
Remplacez cela par tout autre dialogue plus intime, et vous aurez une plus juste image de ce qui se joue là...Schizophrène je vous dis...
Mais cela, va être la rupture du jeûne, et déjà la foule se fait sur les balcons et autres terrasses alentours, en attente du message libérateur...
Alors ?...La suite au prochain épisode ?
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