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26 Dec

Une journée en enfance...(I)

Publié par Circé  - Catégories :  #Souvenirs et Petite Histoire

L'odeur douce amère du café noir fraichement passé envahit la maison ce matin. Délicieusement, elle me chatouille les narines, tandis que pelotonnée au fond de mon lit, enfouie douillettement sous ma couette, je reste sans bouger dans le clair-obscur de ma chambre, les yeux mi-clos.

 

Le passé s'invite en ma mémoire en ce jour de Noël.

Plus de quarante cinq années se sont écoulées, mais le temps me semble aboli.

 

Me voici transportée en cette enfance, où nous passions mes frères et moi, chaque vacances scolaires chez mes grands-parents, dans cette vieille maison à étage, qu'il était bien difficile de chauffer en hiver.

 

Un gros poêle en fonte y officiait vaillamment quoique poussivement dans la pièce principale, tandis que d'autres plus petits, donnaient l'illusion dans les chambres à haut plafond d'y apporter quelque chaleur .

 

Ce qui pouvait sembler vrai au coucher, ne l'était plus au lever.

 

Chaque soir, nous nous glissions prudemment entre les draps de grosse toile de lin, recouverts d'épaisses couvertures de laine et d'un édredon ventru empli de plumes d'oie. Le froid y était prégnant malgré la brique chaude entourée de papier journal qui était censée nous réchauffer les pieds.

 

A peine y étions-nous installés que nous nous immobilisions afin de garder notre propre chaleur. Certains gardaient leurs chaussettes, ce que je ne pouvais me résoudre à faire. Ma cousine, avec laquelle je partageais le lit en profitait alors pour m'appliquer ses pieds frigorifiés sur mes jambes. Je lui servais ainsi de bouillotte en début de nuit, puis très vite la repoussais pour m'endormir.

 

Au petit matin, sortir de la torpeur du sommeil et du silence de la nuit était pour moi un plaisir à nul autre pareil. Je goûtais ainsi chaque minute, dans la pénombre de cette maison qui en ma mémoire est l'un des endroits les plus merveilleux au monde.

 

J'y écoutais le calme apparent de la fin de nuit, scrutant les souffles tièdes et lents de celles et ceux qui dormaient encore, le bruit de la vie à l'étage inférieur.


Mon grand-père qui s'était levé dès potron-minet avait préparé le café, je le savais. Les effluves aromatiques de la boisson arrivaient jusqu'ici . Les deux cafetières en émail qui trôneraient au coin de la cuisinière à mon lever, me le confirmeraient.

 

C'était le rituel matinal auquel il s'adonnait avec un art consommé.

Emplissant une grande casserole d'eau jusqu'à son ras bord, il amenait celle-ci à ébullition. Puis, à l'aide d'une louche, il versait la première eau frémissante sur le café savamment et soigneusement dosé et tassé auquel il n'oubliait jamais d'ajouter quelques grains de chicorée. Ses racines nordiques s'invitaient là.

 

Il laissait alors le café s'humecter, gonfler, chanter comme il aimait à me le dire, avant de continuer à verser l'eau qui prendrait au passage sa couleur ambrée et son goût amer et fort.

 

Il prétendait ainsi que tout le bouquet, l'arôme du breuvage noir étaient concentrés dans la réussite de cette première rencontre entre l'eau et le café, ainsi que dans la mouture de celui-ci. Il l'avait ainsi finement broyé juste avant.

Il exécutait cette opération délicate assis sur une chaise, moulin à café coincé entre ses cuisses, en tournant la manivelle d'un mouvement rapide et régulier .

 

Chaque geste était important et répertorié : du choix du café, en passant par la mouture, son dosage et jusqu'à cette première louchée qui allait révéler les meilleures ou les pires effluves selon que le protocole avait été respecté à la lettre ou non .

 

Pour l'heure, je goutais la quiétude du début de journée : les poêles éteints, la froidure des pièces, l'odeur du café, et cette langue râpeuse qui se plaisait à me débarbouiller le bout du nez.

 

Minette avait encore une fois réussi à tromper la vigilance de ma grand-mère, profitant sans doute de l'entrebâillement d'une porte, elle s'était faufilée rapidement entre ses jambes et avait couru à l'étage.

 

Le festival de ronronnements, de coups de langue sur le visage, de museau humide fouillant les oreilles, pouvait commencer. La locomotive féline était en route, pour finir par se lover au creux de mon cou, et s'installer avec le plaisir évident de celle qui avait bravé l'interdit pour nous rejoindre.

 

Cependant, un regard d'incompréhension ne tarderait pas à marquer sa réprobation lorsque nous quitterions cet endroit pour lequel elle avait tant rusé pour nous y retrouver . C'est à regret qu'elle s'étirerait alors, se soulevant en baillant, puis nous suivrait dans les escaliers jusqu'à la cuisine.

 

Cette chatte détestait la solitude, tandis que la proximité des enfants la ravissait.

 

Pour ma part, le contact de son pelage soyeux, de ses caresses qu'elle m'accordait autant que celles que je lui donnais, m'apaisaient.

 

Le jour de Noël était pour elle-aussi un jour de fête.

Ce jour-là, ma grand-mère lui ouvrait la porte. Elle était son envoyée spéciale qui nous indiquait que nous pouvions regagner la « salle à manger » transformée pour l'occasion en caverne d'Ali-Baba. Si nous tardions, un chant de noël résonnait alors et nous nous précipitions hors de nos lits.

 

La veille, nous avions participé au « réveillon ».

Une table pour les grands, et une autre pour nous, les enfants.

 

Un sapin trônait sur une crédence coincée entre les deux bahuts où étaient rangés linge de maison et vaisselle de fête. De celle qui ne servait justement qu'en ces occasions, ou lors de repas de familles et qui bien évidemment était en ce jour de sortie.


Les décorations étaient faites maison.

Bien difficile et surtout fort cher de trouver ces ornements de Noël si fragiles.

Petits objets sculptés ou en carton peint, quelques guirlandes, une lumineuse ramenée d'Allemagne et offerte par un cousin voyageur, des boules de coton chirurgical disséminées entre les branches figurant la neige, il était de toute façon attendu chaque année avec impatience.

 

Pour parfaire l'atmosphère de la pièce le repas était servi aux chandelles.

Non que la fée électricité ne se soit pas invitée jusque là, mais c'était une soirée de fête où nous partagions repas, rires, chansons, saynètes préparées par nos soins et histoires merveilleuses que nous contaient les adultes, dont souvent mes grands-parents d'ailleurs.

 

Nous étions alors fort nombreux puisque cousins, cousines, oncles et tantes étaient présents. Le repas était à hauteur.

 

Dans mes souvenirs, bien évidemment ne restent que les coquilles St Jacques servies gratinées dans leur coquille, du boudin blanc fait maison cuit au four, la bûche de Noël et les mandarines...

Il y avait aussi du gibier, du sanglier. La région où nous habitions était réputée pour ses chasses fructueuses, mais je n'en mangeais pas.

 

J'étais souvent déjà repue mais l'odeur particulière du gibier me rebutait de toute façon. Seules m'attiraient les pommes cuites au four où se mélangeaient les saveurs des fruits mêlées aux airelles.

 

La soirée finissait bien tard, pour les enfants que nous étions.

Il n'était qu'aux alentours de minuit, mais il nous semblait que nous avions conquis la nuit.

 

Le sommeil ne nous venait que difficilement. Nous savions qu'au matin nous attendait notre cadeau dont nous ne connaissions absolument pas le contenu. Entre excitation et fatigue, nous finissions par nous assoupir.

 

sapin-noel.jpg

Commenter cet article
D
<br /> <br /> La brique, la chicorée, le grand-père qui fait le café du matin... mais c'est tout moi ça, je demande un copyright comme Dailymotion sur les voeux du nain !<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Dame Lepion :<br /> <br /> <br /> Allons, allons, partageons mêmes souvenirs voulez-vous ?<br /> <br /> <br /> <br />

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