Tintin...
Billet qui est en fait un long commentaire laissé sur le blog de notre Chroniqueur en Ovalie local qui est avec JPM, notre Chat de Gouttières et Polyborus l'une de mes plumes préférées au niveau de la blogosphère orléanaise.
Que Fansolo, ne m'en veuille pas, il est pour moi hors catégorie.
Notre Chroniqueur vient ainsi d'effectuer un long périple à pied qui l'a conduit d'Orléans à Albi.
Il a publié depuis chaque jour un ou billets sur ses impressions, aventures, mésaventures et rencontres dans cette France qu'il espérait beaucoup moins frileuse, peureuse, repliée sur elle-même qu'il ne l'a rencontrée.
Son dernier billet, que je vous conseille d'aller lire, ainsi que les précédents sur ses pérégrinations, intitulé Hugues de Lunac où il parle d'un vieil homme rencontré sur le bord du chemin, m'a ainsi fait penser à une autre personne que j'évoque ici.
Cet Hugues me rappelle un autre vieil homme aujourd'hui disparu. Petit paysan, sans beaucoup de terres, juste de quoi nourrir sa nombreuse famille. Une ferme ressemblant aussi à une masure.
Deux pièces uniques la composaient.
L'une était la grande salle avec une cheminée qui trônait en son centre. " L'évier" qui n'était en fait qu'une pierre située sous
la fenêtre, elle-même percée d'un trou d'évacuation des eaux usées sous le chambranle, m'avait interrogé bien des fois quant à la façon de faire la vaisselle.
Une immense cuisinière à bois, une grande table et deux bancs de chaque côté. L'hiver un immense fil à linge traversait cette pièce pour y faire sécher le linge de toute la maisonnée. Linge lavé à la main au lavoir du coin, brouette à l'appui avec savon noir, battoir, brosse et "sabot" servant à s'agenouiller pour la Maîtresse des lieux, plus ceux qu'elle chaussait pour y aller bien évidemment.
L'autre pièce fort sombre et peu éclairée était celle où tout le monde dormait.
L'électricité était bien arrivée jusque là, c'était la seule modernité, énormes boutons en bakélite en prîme.
Une buanderie où tout le monde pouvait prendre un bain dans une baignoire en zinc, après s'être toutefois fait chauffer l'eau sur la cuisinière justement.
Pas de chauffage...
Les "commodités quant à elles, étaient au fond du jardin : cabane de bois, fosse surmontée d'un châssis percé d'un trou et papier journal pour s'essuyer pendant à un crochet.
Je détestais les araignées qui "nichaient" en ces lieux. On ne se demandera pas pourquoi compte tenu des mouches volant l'été. Le reste, les odeurs se mêlaient à celle de l'étable toute proche.
Deux vaches pour nourrir de leur lait toute la famille, - douze enfants- , un cheval pour le labour, deux chèvres dont le lait servait à faire quelques fromages, un bouc, le seul à des kilomètres à la ronde qui honorait ainsi bien des gentes damoiselles de race caprine - au moins un avantage ! -, un potager dont les légumes nourrisaient tout ce petit monde.
Bien entendu, poules, canards et oies qui divaguaient dans la cour de la ferme isolée de toute "grande route", et un enclos où s'ébattait dans la boue avec force grognement un cochon, élevé bien évidemment pour que le moment venu, il puisse nourrir toute la famille de sa viande : jambon, rillettes, rillons, cotelettes, boudins et enfin quelques clapiers à lapins....
Côté champs : un peu d'orge, de blé, d'avoine et la luzerne pour les animaux, et aussi quelques rangs de vigne qui donnait un vin d'assez mauvaise qualité.
Une vie dure, sans fioriture, mais une famille plutôt heureuse à ce que j'avais pu constater . Ce paysan se prénommait Valentin,
plus connu dans le village sous le sobriquet de Tintin.
Lui avait obstinément refusé l'installation de la télévision, ses enfants ont passé outre.
Puis du téléphone, ses enfants ont fait de même .
Mais il n'a jamais regardé l'une ni répondu à l'autre.
Il s'est éteint lorsque son fils a vendu le dernier cheval de la ferme.
Celui qu'il disait son ami et lui avait sauvé la vie lorsqu'il avait fait un malaise en plein champ.
L'animal l'avait protégé des ardeurs de l'astre solaire en se déplaçant de telle sorte que le corps de son Maître soit toujours à l'ombre du sien.
Il semblerait que " Tintin" ait été découvert inanimé plus de trois heures après sa perte de connaissance. Cela en plein mois de
juillet.
Cet homme ne voulait pas de ce monde qui avançait sans lui.
Il prétendait que tout n'était que miroir aux alouettes, que bientôt malgré la télévision, le téléphone ( la"boite" comme il l'appelait ), les fusées... les gens ne se connaîtraient plus, ne se
parleraient plus.
Que les voisins deviendraient des étrangers les uns pour les autres, qu'ils auraient même peur les uns des autres.
En ce temps-là, de riches parisiens commençaient à acheter des fermes à l'abandon pour en faire leur lieu de villégiature de fin
de semaine.
Ses nombreux enfants (12) ont pris ce qu'il y avait à prendre de la dignité de leur père.
De son dur labeur au travail de la terre aussi.
Ils ont modernisé, et la maison et le mode de culture des champs, sans se laisser envahir toutefois par la culture de la terre en
mode production à outrance. Le départ du vieux cheval était inéluctable, comme celui de son Maître.
La fin d'un monde dont notre société n'accepte pas la cohabitation sinon au sein d'un musée où d'une fête de village où on convoque les mânes des anciens.
Merci de m'avoir ainsi permis d'évoquer ce vieux monsieur que j'aimais tant, moi la Parisienne d'alors.
Je sais qu'après une certaine curiosité, défiance aussi sans doute à mon égard, il m'a adoptée . J'étais une autre de ses
filles.
Mon dernier fils porte son prénom.
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