Lettre d'une administratrice CNL à Cécile Duflot.
C'est un courrier que j'ai adressé la semaine passée à Mme Cécile DUFLOT,
Ministre de l'Egalité des territoires et du Logement. L'annonce d'un non coup de pouce au SMIC aujourd'hui résonne curieusement et sinistrement...
à Mme Cécile DUFLOT,
Ministre de l'Egalité des territoires et du Logement
Le gouvernement auquel vous appartenez a pour ambition de faire du logement, et du logement social une priorité. Aussi, je tenais à vous interpeller sur ce que je constate, déplore dénonce chaque jour, dans le cadre de mes fonctions d'administratrice, auprès d'un organisme HLM de ma ville.
Tout d'abord, le montant de la quittance de loyer est en constante augmentation dans le budget des ménages, alors que leurs revenus, eux, ne suivent pas. Ce sera encore le cas dès le 1er janvier prochain, puisqu'aucune mesure forte et courageuse, à effet immédiat pour les locataires les plus modestes comme le gel des loyers, par exemple, n'a été prise.
Par contre dès le 1er janvier prochain ce seront pour eux, 2,15% de hausse des loyers, 2,4% de hausse du prix du gaz (60% de hausse depuis 2005) , 4,58% de hausse de la redevance télé, indexée sur le coût de la vie, s'il vous plaît ! N'oublions pas les dernières hausses de la TVA, du tarif de l'électricité, de l'essence etc...
Les prestations sociales, et autres minima sociaux, l'APL ?
Rien ! Même plus indexés sur le coût de la vie . Pour faire un raccourci provocateur et caustique, est-ce à dire qu'il ne restera plus aux locataires modestes, s'ils ont encore pu honorer le règlement de leur facture EDF, à lécher l'écran de leur téléviseur pour se nourrir, se soigner ?
3,8 millions de ménages avec un taux d'effort énergétique supérieur à 10% de leurs revenus, 3,5 millions en précarité énergétique ne pouvant plus ou pas se chauffer convenablement, ne sont-ce pas là des alertes suffisantes ?
Le logement social est lui toujours sous la férule de la désastreuse loi MOLLE, toujours pas abrogée malgré un cortège d'aberrations :
1°) Abaissement unilatéral de 10% des plafonds des revenus des ménages éligibles au logement social, avec de nombreux effets « pervers ».
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augmentation du nombre de ménages assujettis au SLS (Supplément Loyer de Solidarité),
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Ménages à revenus médians chassés du logement social et envoyés directement dans le privé.
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Une catastrophe au niveau mixité sociale, le logement social n'étant plus vu que comme un « ghetto » où seront confinées les populations en précarité sociale. De plus, une mise en difficulté de nombre d'OPHLM, communes, qui ayant une offre diversifiée de logements (PLI notamment), ne peuvent plus les louer du fait du montant élevé de leurs loyers, et en même temps ne peuvent accueillir d'autres familles dépassant les plafonds, du fait de l'abaissement de ceux-ci de 10%,.
2°) Mise en vente du patrimoine pour éviter la vacance des logements, mais aussi compenser les manques d'investissements de l'Etat pour les constructions, rénovations des logements. Toujours sous-couvert cependant de permettre aux locataires de devenir propriétaires et aussi compensation (?) des 340 millions € de ponctions effectués par l'Etat durant les trois dernières années sur l'aide à la pierre par exemple.
Manque de volonté politique aussi, d'investissements massifs de l'Etat qui créeraient pourtant nombre d'emplois. Le logement, doit être et rester une compétence de l'Etat. Il faut lancer un programme ambitieux de construction de logements sociaux et très sociaux.
3°) Hausse de la TVA de 5,5 à 7%, ce qui en matière de rénovation et entretien du parc HLM est une très mauvaise nouvelle, tant pour les fonds des OPHLM, que pour les locataires qui ont vu immédiatement la répercussion de cette hausse sur leurs quittances de loyer.
Autre répercussion, celle sur l'emploi dans le secteur du bâtiment : Nombre d'entreprises ont vu leur carnet de commandes fondre à la vitesse grand « V », ne plus embaucher, mais licencier nombre de salariés. Certaines entreprises sous-traitantes risquant fort de mettre la clé sous la porte.
4°) Loyers et charges ne cessent d'augmenter, tandis que les revenus des ménages eux stagnent ou baissent du fait de la hausse du coût de la vie,. Dans le même temps :
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Hausse du SMIC insuffisante, sans rattrapage,
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Emplois précaires – temps partiels imposés, CDD, cumul de plusieurs petits boulots pour tout juste survivre...
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Nombre exponentiel de chômeurs, plus de 3 millions, précarité des familles, notamment mono-parentales, avec majoritairement des femmes à leur tête se retrouvant en première ligne des demandeuses d'emploi, subissant inégalités de salaires, de carrières, au RSA, sous le seuil de pauvreté (914€/mois) avec des revenus, toutes allocations confondues entre 550 et 800€/mois.
A cela il convient d'ajouter le gel des prestations familiales, de l'APL, ainsi que leur désindexation du coût de la vie qui n'ont pas été abrogés par le gouvernement actuel, tandis que l'inflation dépassera elle, les 2% en 2012.
La hausse de l'allocation de rentrée scolaire ne saurait masquer cela ! Il faut par ailleurs une réforme de l'APL avec l'intégration du montant total des charges ainsi que la remise en place de la rétroactivité du versement de celle-ci.
5°) Les prix du gaz, de l'électricité, du fioul domestique se sont envolés, entre 30 et 60% selon les énergies durant les dix dernières années. Près de 4 millions de familles sont en état de précarité énergétique. Nombre de locataires cumulent souvent bas revenus et précarités, dont cette dernière qui est un véritable fléau.
6°) La loi Molle fait obligation aux couples mariés en instance de divorce de présenter une ordonnance de non-conciliation lorsqu'ils se séparent, pour déposer un dossier de logement social.
Si cette ordonnance n'est pas fournie, ce sont les revenus du couple qui sont pris en compte (au lieu de seuls ceux du demandeur) les éloignant de fait du logement social avec un dépassement fréquent des plafonds d'attribution des logements,
Outre que maintenir sous le même toit un couple qui ne s'entend plus pendant des mois, du fait des délais extrêmement longs de la justice, c'est prendre un risque considérable quant à la survenue de violences familiales, - ce qui d'une manière très perverse permettrait cependant de rendre légale cette demande- , c'est une grande discrimination qui leur est faite.
En effet, n'importe quel couple vivant en concubinage peut faire une demande de logement dès la séparation décidée. De même pour un couple pacsé ( moins de 3 jours pour dénoncer un PACS et sa prise en compte par le tribunal).
C'est donc bien là, à une véritable discrimination à laquelle sont confrontés les couples mariés décidant de mettre un terme à leur union.
Il faut absolument abroger cette mesure et en revenir à une attestation de procédure en cours délivrée par un avocat pour pouvoir déposer un dossier.
7°) Les fonds qui abondent les dispositifs FUL et LOCAPASS étant en constante diminution, les demandeurs de logements les plus modestes ne peuvent bénéficier de dépôt de garantie via ces dispositifs pourtant destinés à les y aider. Seuls ceux dont le loyer dépasse 20% de leurs revenus peuvent y prétendre Pourtant ceux qui sont en dessous de ces 20% sont encore plus fragiles financièrement. Par ailleurs le nombre de mois garantis vont drastiquement baisser dès le mois de janvier prochain :
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le FUL ne garantira plus que 9 mois de loyers au lieu de 18
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le LOCAPASS 6 mois au lieu de 9 .
Voilà qui n'augure rien de bon, alors que les impayés sont en hausse du fait de la précarité grandissante, alors que nombre de familles avec de jeunes enfants déambulent par tous les temps dans les rues à la recherche d'un toit pour la nuit .
Voilà, Madame La Ministre, ce que j'avais à vous transmettre comme constats, à vous soumettre comme suggestions, mais surtout à vous décrire très précisément ce que donnent nombre de mesures injustes qui doivent absolument être modifiées pour certaines, abrogées pour d'autres.
Très cordialement,
Dominique Tripet,
Administratrice CNL,
Militante Féministe
Dessin de Rodho
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