En mémoire d'une fleur de bitume anonyme, fauchée en un dimanche d'octobre sans qu'hommage ne lui soit rendu !
Elle est morte cette nuit, la fleur de bitume.
Sur les trottoirs de Nice.
Les trottoirs, il faut dire qu'elle les connaissait.
Bien, trop bien même, à force de les arpenter, d'y déambuler.
C'est là qu'elle y attendait le client, chaland, répondant en souriant aux apostrophes obscènes de la pratique :
- " Eh, c'est combien la pipe " ou autres questions lubriques sur ses passes tarifées...
Car c'était son "métier", le plus vieux du monde prétendent nombre de margoulins turlupins. Elle était pute, et c'est encore là cette
nuit, que la jeune vigie égérie des vices et turpitudes de mâles aux " irrépressibles besoins" se tenait : à son poste, sa place, son coin de trottoir, sa tranche de macadam.
De la nuit elle en connaissait sans aucun doute les dangers.
Objet sans respect de clients interlopes utilisant sa bouche, son sexe ou son cul pour éjaculer leur misérable semence et/ou leur
fielleuse et perverse colère.
C'était ce qu'elle faisait encore cette nuit, à Nice : elle tapinait.
Sans état d'âme (?), elle prenait les billets qu'on lui tendait en échange d'une partie de son corps qu'elle offrait aux mains et
bas-ventre de prétendus clients...Le long d'un mur, sur une banquette de voiture.... Une capote, un mouchoir et de nouveau le trottoir.
En une autre vie, ils auraient pu être ses père, frère, ami, amant, mais elle n'en voulait rien savoir. Ceux-là la reconnaissaient-ils
en tant qu'être humain, femme, faite de chair et de sang ?
Qui le sait ? Même pas moi.
Cette nuit, la douceur avait envahi la baie des Anges et le clapotis de la Méditerranée berçait le sommeil des NiçoisEs endormies, à
l'heure des honnêtes gens, comme il se doit.
Qu'importe si Atropos s'apprêtait à couper le fil d'une jeune vie, patiemment tiré et tissé jusqu'alors par ses soeurs Clotho et
Lachésis. Elle allait mourir la jeune pute. Les Parques avaient scellé son destin.Les hommes l'effaceraient encore plus vite de la surface de la terre et de leur mémoire.
Une automobile aux allures de taureau furieux, a surgi d'une rue, traversant en une course folle le carrefour, non loin de l'endroit où
elle exerçait ses talents de michetonneuse.
Déchirant l'asphalte, le véhicule en a heurté un autre. Celui de forces dites de l'ordre qui croisait par là, projetant celui-ci en une
terrible et létale trajectoire qui a fauché les pas et la vie de la jeune prostituée.
Informations de ce jour que je vous laisse le soin de lire ICI ou encore d'écouter là.
Le maire UMP de la ville de Nice, Christian Estrosi s'y fait l'ardent défenseur des forces de l'ordre, autrement dit des agents
de police blessés lors de cet accident, en y pourfendant les comportements inqualifiables dont ils ont été les victimes.
Et l'édile en colère, de se rendre avec empressement au chevet des accidentés afin de leur rendre hommage.
Le nom de la fille de joie n'a pas eu, lui, l'insigne honneur d'être même cité ou prononcé. Elle n'en avait pas, tout comme elle
n'avait ni vie, ni visage, seulement une bouche, un sexe, un cul.
Son corps est bien caché au fond d'un tiroir de la morgue de Nice.
Du côté du communiqué de l'agence de presse ou de la radio publique ? Pas mieux.
Mais quoi ? Pour la mort d'une jeune prostituée, doit-on vraiment s'en inquiéter, s'épouvanter, s'en offusquer et pour tout dire la
regretter ?
Elle n'était rien...
Juste un objet qui sera à n'en pas douter remplacé dès ce soir par un autre objet. Victime de violences, mais sous-être humainE dont il
ne convient pas de rendre hommage à sa mémoire.
Alors ma soeur, ma fille, ma mère, mon amie, en cet instant c'est vers toi que vont mes pensées :
- " Repose en paix ...
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