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16 Jul

Chroniques de la Peur Ordinaire en Sarkozie : Zahra, double peine...(II)

Publié par Circé  - Catégories :  #Droits de l'Homme, des Femmes, Politique

Le temps passe, péniblement, sans changement aucun quant au traitement à son égard de sa belle-famille et de son mari.

Mais Zahra a désormais un espace de liberté, au moins dans sa tête.
Elle a une chambre à elle, et même un ordinateur à disposition.
Les allers-retours tous les 15 jours auprès de son mari et de sa belle-famille continuent.
Sans compter quelques venues impromptues de son mari jusqu'à son lieu de travail.
Mais toujours pour le même motif : Il a besoin d'argent.

Cependant, en mars dernier ; coup de théâtre.
Zahra apprend par un coup de fil de sa belle-famille qu'une lettre recommandée en provenance de la préfecture du Loiret l'attend au bureau de poste, proche de leur domicile.
Elle en prend connaissance le week-end suivant et tombe des nues.

Le Préfet du Loiret vient de prendre à son encontre un ordre de quitter le territoire français.
La raison invoquée étant que Zahra aurait quitté le domicile conjugal.
Depuis son arrivée en France et malgré le fait qu'elle est conjointe de ressortissant français, Zahra a ainsi obtenu chaque année une carte de séjour d'une année, renouvelable normalement trois fois avant d'enfin obtenir son titre de séjour de 10 années.

Ne comprenant rien à tout cela, complètement alarmée et paniquée, elle se déplace jusqu'à la Préfecture .
Là, elle apprend qu'elle a été dénoncée par une lettre anonyme comme ayant quitté son mari et de fait le domicile conjugal en août dernier.

Elle apprend par ailleurs qu'une enquête été diligentée et que plusieurs fois les policiers sont venus au domicile des beaux-parents sans la trouver, mais surtout sans que qui que ce soit non seulement l'en ait informée d'une part, ni même sans que soit donnée l'explication aux policiers d'autre part, quant à son absence ou bien l'adresse de son lieu de travail.

Pour cette raison, la Préfecture du Loiret a donc donné foi à la dénonciation et prononcé à son encontre un Ordre de quitter le territoire français.

Zahra ne comprend rien.
Elle demande à sa belle-mère ainsi qu'à son mari pourquoi elle n'a pas été avertie de la visite des policiers.
La réponse est évasive, ils disent tous deux, ne pas comprendre, avoir répondu aux policiers qu'elle travaillait, sans toutefois avoir donné l'adresse de son lieu de travail.

Zahra tente de s'expliquer avec les services de la Préfecture, attestation de son employeuse en poche ainsi que celle d'une proche de cette dernière qui la ramenait fréquemment jusque chez sa belle-famille, les cars étant en nombre fort limité en fin de semaine, pour regagner sa ville de domiciliation.

Elle conteste la mesure de la Préfecture.
Son mari lui fait une attestation de vie commune contredisant la lettre anonyme.
Mais rien n'y fait et Zahra est contrainte de prendre un avocat.
C'est un peu là que différentes associations dont l'une à laquelle j'appartiens, entrent en scène.

Nous apprenons que le premier avocat que Zahra a consulté et à qui elle a expliqué sa situation, la vie difficile et détestable qu'elle menait dans cette famille, lui a conseillé de... ne rien faire !
Et ce, jusqu'en juin, date à laquelle les trois années de vie commune pouvaient lui donner droit à un titre de séjour de 10 ans.
- " Fais profil bas, si ton mari ou ta belle-mère te demande quelques chose, tu acceptes, tu donnes même de l'argent et tu serres les dents, après tu feras ce que tu voudras...".

Nous lui conseillons vivement d'en changer.
Discutons beaucoup avec elle, lui demandons pourquoi le motif de cette dénonciation en août, que s'est-il passé ?
Pour Zahra, tout cela ne peut être qu'un coup de sa belle-mère, son mari, le fils de la première donc étant sans arrêt sous sa coupe.
Mais la situation qui se dégage de l'histoire qu'elle nous relate est toute autre, même si sa belle-mère joue bien un rôle particulièrement ignoble à son égard.

Petit à petit, elle pose sur son mari un autre regard.
Pose d'autres questions à des proches, apprend qu'il aurait une autre femme dans sa vie, tout comme il en avait déjà une autre quand il avait décidé de se marier avec elle.
Bien pire même pour elle, il serait père d'un enfant, né en ...août 2008.
Ne voulant pas en rester là, elle interroge tous les proches de son mari avec insistance et finit par avoir confirmation : Oui, il a bien un enfant né en Août 2008.

Après une scène terrible et profitant de la situation "nouvelle", le mari marchande ses attestations ( sans moi, jamais la préfecture ne te croira...) et vient à plusieurs reprises lui soutirer de l'argent, lui réclamant même l'achat d'un écran plat, 2000 euros...
Bref, Zahra n'est plus qu'un porte-monnaie ambulant sous la menace d'une nouvelle dénonciation auprès de la Préfecture.

De son côté, la Préfecture refuse de prendre en compte l'attestation du mari, les explications de Zahra et persiste dans sa décision de l'expulser.

Zahra est entre effondrement, colère, révolte et résignation.

" De toute façon, il fait toujours ce qu'il veut, il a toujours raison, tu crois que c'est juste çà ?"
- " C'est moi qui travaille pour tout le monde, ramène de l'argent, fais la bonne à tout faire, ne sors jamais mais c'est lui qui a raison..."

Nous discutons beaucoup.
Elle finit par changer d'avocat, refuse désormais de donner le moindre argent à son mari, et même sur notre conseil de rentrer au domicile des beaux-parents.
Nous craignons pour sa sécurité.

Des coups de téléphone se font menaçants, très menaçants même.
- " Si tu ne la fermes pas, nous allons t'envoyer des gens qui vont te tabasser et brûler l'endroit où tu vis avec la vieille ".
Dans l'un de ses coups de fil, elle finit par entendre de la bouche même de son mari, que c'est lui qui l'a dénoncée à la Préfecture au moment de la naissance de son enfant.
On ne peut être plus clair.

Zahra, kleenex utilitaire, a été "jeté" comme un mouchoir de papier à la poubelle.

Malgré ses peurs et sur notre insistance, Zahra a fini par porter plainte.
Et cela n'a pas été simple.
Deux allers et retours au commissariat de Police de sa ville ont été nécessaires.

Le premier officier de police s'est contenté de taper son nom sur l'ordinateur et de constater qu'elle était sous les coup d'un Ordre de quitter le Territoire français. 
Il a immédiatement appelé la Préfecture pour ensuite nous dire que Zahra ne pouvait être arrêtée maintenant puisque s'étant présentée de son plein gré, mais qu'elle devait se rendre au commissariat d'Orléans pour prendre les mesures de retour dans son pays d'origine.
Quant à la plainte, les vols entre époux n'existent pas, le harcèlement moral n'est pas reconnu, les menaces sont à prouver.

Pourtant cet officier a eu aussi la surprise de constater que le mari de Zahra était venu en juin de nouveau la dénoncer par simple main courante comme ayant quitté le domicile conjugal.
Zahra était au courant.
En contact dorénavant avec une personne proche de la famille, elle savait aussi que le jour même, il avait installé sa nouvelle compagne et leur enfant au domicile des beaux-parents.
Et pour ne pas faire dans la demie-mesure, il avait envoyé copie de sa main courante à la Préfecture du Loiret.

Cet après-midi là, Zahra n'a pas pu déposer plainte.
Mais nous avons pris contact et Rendez-vous avec un autre officier de Police qui a écouté, entendu et compris, sans aucun doute la situation de Zahra.
La copie de son dépôt de plainte en est la meilleure preuve possible.

Aujourd'hui Zahra a franchi un cap immense.
Mais rien n'est terminé pour elle.
Bien au contraire.
La Préfecture persiste et signe.

Pourtant, lors de son audition dans le cadre de la commission d'évaluation pour la mise en place d'une loi-cadre contre les violences faites aux femmes, voici ce que disaient Mme Claudie Lesselier, du Réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées et Mme Violaine Husson de la Cimade :


  " Premier sujet : Que se passe-t-il en cas de violences provoquant une séparation ?


Les avancées législatives de 2003, 2006 et 2007 prennent en compte la violence conjugale, notamment lors de la délivrance du premier titre de séjour. S’il y a donc eu des améliorations dans ce domaine, des difficultés persistent.

Une personne mariée à un français ou qui arrive au titre du regroupement familial pour rejoindre son conjoint en situation régulière, doit se voir délivrer de plein droit un titre de séjour si des violences conjugales ont été commises entre l’arrivée sur le territoire français et la délivrance du premier titre de séjour.

Or, dans les faits, les préfectures appliquent très mal ces dispositions, refusent le dépôt du dossier ou se limitent à délivrer des récépissés pour des délais anormalement longs. ..

Pour le renouvellement du titre de séjour des conjointes de français entrées avec un visa de long séjour ou des conjointes d’étranger en situation régulière entrées au titre du regroupement familial, victimes de violences conjugales les conduisant à rompre la communauté de vie, certaines préfectures demandent la reconnaissance d’un divorce pour faute, d’autres la condamnation pénale du mari.

Or la procédure pénale est extrêmement longue et complexe et les femmes voient leur demande de renouvellement rejetée car elle ne correspond pas aux conditions arbitrairement ordonnées par les préfectures.

Ainsi une femme qui décide de rompre la vie commune en raison de violences conjugales est punie d’avoir voulu se protéger… Nous demandons donc que le renouvellement du titre de séjour de ces femmes victimes ne relève plus du pouvoir discrétionnaire des préfets et que les pratiques des préfectures visant notamment à demander des documents qui ne correspondent pas à des conditions légales requises (telles que la condamnation pénale du conjoint), cessent...


Le vide juridique et administratif est encore plus grand pour les femmes et les jeunes filles confrontées à des situations d’esclavage domestique.

Aux termes du code pénal l’esclavage moderne est un délit, le fait d’« imposer des conditions de travail et d’hébergement contraire à la dignité humaine ».
Dans la pratique, les préfectures exigent que la femme porte plainte et que les poursuites pénales aboutissent à la condamnation des exploiteurs. Or d’après le Comité contre l’esclavage moderne beaucoup de plaintes n’aboutissent pas faute de preuves : les exploiteurs nient leurs actes et la personne soumise à l’esclavage, enfermée au domicile, n’a ni témoin ni document qui permettent à la justice de se prononcer. De surcroît, en raison du lien familial fréquent entre les exploiteurs et leur victime, le risque de représailles les 
les dissuade de porter plainte...

Actuellement, les structures d’hébergement du type CHRS ne sont de fait pas accessibles aux femmes sans titre de séjour. Cette exclusion place les femmes dans une situation de très grande vulnérabilité. Elles se trouvent dans un cercle vicieux : soit elles restent au domicile du conjoint violent, soit elles se retrouvent à la rue.


Autre problème : quand un homme veut se débarrasser de sa femme, non seulement il la met dehors après l’avoir battue, mais il peut la dénoncer à la préfecture ou porter plainte contre elle....


Dans tous les cas évoqués – traite, esclavage moderne, mariage forcé, violences conjugales, etc. –, les préfectures demandent des preuves matérielles des violences physiques, notamment des certificats médicaux, mais aussi un dépôt de plainte.

Or, il est déjà difficile à toute personne victime de violences de raconter sa vie dans un commissariat ou une gendarmerie. Les femmes que nous rencontrons se heurtent à un obstacle supplémentaire lié à leur situation irrégulière ou régulière précaire, beaucoup d’entre elles étant dans l’attente du renouvellement d’un titre de séjour d’un an.


Certaines ne portent pas plainte par manque de connaissance de leurs droits, mais elles sont aussi confrontées à certaines pratiques policières.

En venant au commissariat ou à la gendarmerie, certaines sont menacées d’interpellation au regard de leur situation, parfois insultées – « comment peut-on déposer plainte contre un ressortissant français ! ».

D’autres se voient refuser de déposer plainte ou amenées à faire seulement une main courante.

Nous constatons de telles pratiques quotidiennement. Il est très difficile pour ces femmes d’aller au commissariat, d’être en confiance, d’arriver à expliquer leur situation, de porter plainte contre leur conjoint ou une personne de la famille, ou tout simplement de se voir remettre une photocopie de leur plainte.


Des décisions de justice rappellent qu’une victime de violences conjugales en situation régulière, régulière précaire ou irrégulière est effectivement une victime. Nous demandons donc que la loi soit appliquée. Nous demandons également que ces femmes, certes en infraction sur le territoire français au regard de leur situation, ne soient pas interpellées et ne se heurtent pas au refus des policiers de prendre leur plainte.

Nous demandons que les agents dans les commissariats et les gendarmeries soient formés et informés. Si des avancées ont été constatées dans certains commissariats, notamment via la mise en place des référents violences conjugales, ce n’est pas le cas partout.


Voilà, Zahra en est là, en France !

Au Maroc, son mari a "bouffé" tout son argent ( elle avait quelques économies) en lui faisant aussi prendre un crédit à son nom.
Ce sont ses parents qui paient désormais les traites.
La maison est bien construite aux frais de Zahra.

Pour ne pas être en reste, une solide réputation de prostituée lui a été faite, pour "expliquer" sa non-venue au Maroc depuis trois ans, un divorce qui vient d'être demandé par le mari et l'installation pendant les vacances de la nouvelle compagne et de l'enfant dans la toute nouvelle demeure familiale.

Ainsi, sa situation en tant que femme au Maroc est désormais scellée :
C'est une moins que rien, et rien n'y fera, dénégations ou attestations à l'appui.
Si en plus elle devait être expulsée, le tour serait joué, car curieusement les mensonges du mari seraient pris pour des vérités, car on expulse pas sans raison, n'est-ce pas ?
Et oui, c'est comme cela !

Ici, des lettres ont été envoyées, vont l'être de nouveau aux autorités, aux députés, au Préfet du Loiret pour les sensibiliser à la situation de cette jeune femme.

Je ne concevrais pas que la Justice de mon Pays ne rende pas Justice justement à Zahra.
Mais cela est une autre histoire, la Justice pour son cas étant tributaire d'une simple compteur d'expulsion.
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S
Quelle histoire terrible ! C'est vrai qu'ici la legislation et les dispositions anti-étrangers ne sont qu'un moyen supplémentaire pour le mari de nier l'humanité de Zahra. C'est là qu'on voit combien la politique actuelle est le fruit d'une vision malsaine de la société. Le nationnalisme prévaut sur la compassion et l'entraide, la protection des personnes menacées. Je relaie sur mon blog.
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C
<br /> Merci de relayer.<br /> <br /> <br />
S
une histoire à faire suivre sans se lasser ... cette violence nous le savons existe dans les foyers jusqu'à aller se fondre dans les familles où elle est niée, plus grave encore, appuyée d'une complicité écoeurante et de la pire espèce, histoire d'enfoncer le mal dans la plaie déjà trop ouverte d'innocentes victimes .. pour aller se perdre et se figer dans les méandres d'une justice qui loin d'assumer ses responsabilités en rajoute parce que les lois ne sont faites souvent que pour les hommes pour les hommes, les bien nés, les sournois, quand les femmes, les homos, les gueux ignorants de bien des législations sont oubliés quand ils ne sont pas rejetés, bannis, trahis, expulsés ... exécutés  ! Samie Louve
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E
il faudrait en faire un film pour sensibiliser, ... c'est terrible, heureusement que vos assoc sont là, et il faut être vraiment compétente, très pointue, pour des cas aussi épineux que celui là ! bravo pour votre ténacité et votre courage... Zahra aussi a bcp de courage, j'admire. J'ai beau bien connaître la 'mauvaiseté' humaine, lire le comportement de son mari et de la belle famille, ... m'étonnera toujours. Impossible de m'habituer à cette idée d'humain prédateur, malgré tout.
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P
"Je veux être un homme heureux....". Ou une femme bien sûr.(Cri du coeur)
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C
<br /> Reprenons après toi, tous en choeur...<br /> <br /> <br />
S
Cette histoire me fait de drôles d'échos.Non pas que j'aie vécu (du tout du tout, bien sûr) la même chose, mais certains comportements du mari et de membres de la famille... la calomnie face à la rébellion ...Je mettais tout cela sur le compte d'une maladie mentale. D'une forme de perversion pathologique. Tu me mets le doute.Merci pour ton récit.
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C
<br /> Cela fait partie de l'emprise mentale qu'exercent ces types de personnes.<br /> La violence psychologique a aussi cette facette<br /> <br /> <br />

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" Pourquoi une Femme entière ne serait-elle qu'une moitié ? "