Les Carabistouilles de Juliette (III).
Nous voici donc toutes deux, Juliette et moi, en partance pour Orléans.
Nous venons de dépasser l'objet des retard et vitesse " gastéropodique " de notre tortillard improvisé : une loco hors d'usage qui avait pris feu.
Notre train prend maintenant de la vitesse et Juliette s'extasie sur les " pâquerettes " qui défilent sous nos yeux.
Ce sont en réalité des champs de colza en pleine floraison.
J'explique la différence entre les deux fleurs à ma petite fille, attentive mais un rien dubitative.
Elle finit d'ailleurs par me rétorquer que de toute façon, elles sont jaune ou un peu jaune toutes les deux.
- " Alors c'est pareil, tu comprends Mamie ? "
Le sourire aux lèvres, j'abandonne de bonne grâce la partie à ma petite fille qui veut avoir le dernier mot.
Après tout l'important, était-ce le nom et la forme de la fleur ou bien ce jaune éclatant qui s'étale à perte de vue pour son plus grand plaisir ?
Les gares se succèdent.
Juliette a abandonné la contemplation du paysage pour sortir de ses poches les feuilles de platane qu'elle avait conservées.
Elle se met à les lacérer consciencieusement.
- " Je fais de la salade pour les escargots qui ont des coquilles rose et jaune, à côté de chez toi Mamie. Tu crois qu'ils vont aimer çà, ? "
- " Je ne sais pas, Ma Chérie, nous verrons bien, mais tu sais sur ces feuilles d'arbre, il y a certainement des produits insecticides "
- " Ah bon ? Alors elle va être "toxique" ma salade ? "
Je maîtrise du mieux que je peux mes sourire et étonnement.
Cette petite m'enchante. Elle aime les mots.
Encore une fois elle me surprend.
Son niveau de vocabulaire m'époustoufle et je me demande si en grandissant et à l'âge de l'adolescence, elle n'aura pas, elle-aussi, la tentation du minimum lexical.
Celui basé sur toutes ces onomatopées et injures sexistes entendues à longueur de journée, tant de la part des garçons que des filles d'ailleurs, dans les transports en commun que j'utilise lorsque le temps ne me permet pas de prendre ma bicylette.
Pour l'instant, je profite de tous les petits bonheurs qu'elle m'octroie, avec une fierté et un parti pris non dissimulés.
C'est MOI la grand-mère de ce petit personnage attachant, mélange de fée, troll et lutin !
Et je me console comme je peux, en me disant justement qu'étant sa grand-mère, elle me fera toujours les sourires qu'elle refusera pendant un temps à ses parents, daignera aussi continuer à m'adresser la parole avec un langage soutenu tandis que l'on aura encore ces fous rires complices.
Tous ces comportements qui m'agaçent prodigieusement lorsque mes plus jeunes filles se conduisent ainsi avec ma propre mère, leur grand-mère !
Est-ce cela d'avancer en âge et en sagesse ?
En tout état de cause, c'est un curieux héritage que cette attitude qui se perpétue de génération en génération.
Je n'échappe pas à la règle, mais je suis pour ma part, des deux côtés.
Et je comprends mieux, même s'il m'arrive parfois d'avoir encore du mal à relativiser.
Laisser partir ses ados qui vous vouent aux gémonies en tant que parent, vous attribuant tous les défauts de la Terre et plus encore, pour mieux les voir revenir comme vos enfants, grandis, mûris, adultes.
Mais combien de peur, d'interrogation, d'inquiétude, de colère, de calme relatif avant des tempêtes qui vous ballottent en des territoires que vous aimeriez mieux éviter !
Alors là, ne comptez pas sur eux, vos ados, pour naviguer en eaux calmes et claires.
La houle et le vent, l'écume des mots et des sentiments vous naufrageront bien plus souvent le coeur qu'à votre tour, mais il suffira d'une accalmie, d'un sourire, de quelques mots gentils et parfois d'échanges à peu près "cordiaux" pour que cela soit oublié jusqu'à l'avis de gros temps suivant.
Et pour moi, cela fait 20 ans que cela dure !
Ah l'inconscient, pourtant je ne m'appelle pas Ulysse, mais bon ...
Pour l'heure, la gare d'Orléans se profile.
Juliette se prépare avec excitation.
- " On va prendre le bus, hein Mamie ?
- " Mais oui, tu le sais bien, je te l'avais promis "
- " Mamie ? "
- " Oui ? "
- " Tu pourras revenir dormir chez moi ce soir ? "
- " Tu sais bien que ce n'est pas possible Juliette..."
- " Mais je vais être triste sans toi Mamie...Tu sais, j'aime bien quand tu dors à la maison ."
- " Ne t'inquiète pas ma Petite Chérie, il y aura d'autres vacances et je reviendrai, et toi aussi ."
Juliette saisit ma main très fort.
Nous descendons du train. Elle aime la gare d'Orléans, elle la trouve très belle.
Et puis, il y a le tram à côté et puis des bus...
Et oui, ma petite fille est une fleur des champs.
J'ironise intérieurement en pensant aux indices de satisfaction que pourraient obtenir notre maire et sa majorité municipale de droite avec des audits uniquement basés sur l'avis d'enfants de 4 ans.
Mais c'est là une autre histoire.
Direction la station de bus.
La rue de la République est pavoisée, les fêtes de Jeanne d'Arc approchant.
Je la laisse s'extasier sur les couleurs qui claquent au vent.
Quand elle sera plus grande, je la mettrai au "parfum".
Encore qu'elle, elle a la couleur de peau requise, mais pas de religion, alors...
Ces critères aussi spécifiques que ceux d'une mariée à la vertu sans tâche au fin fond des contrées les plus reculées en matière d'émancipation des droits des femmes à disposer de leur corps, sans qu'on vienne leur en demander compte, m'énervent chaque année.
Les matrones auraient même dit-on vérifié la réalité de la vertu de la Pucelle d'Orléans.
Pour le reste aucune Jeanne laïque noire ou métissée à l'horizon .
Etre Belle et Bonne fille dans l'Orléanais signifie, être vierge, catho, de bonne famille croyante et bien pensante...
Pour les autres, des nèfles et des guignes, vous n'êtes point de bonne extraction !
A la basse-cour les filles de serfs et de manants !
Religion et chasteté sont ainsi fêtées chaque année à Orléans !
Le courage attribué à une jeune bergère ayant bouté les anglais hors des terres françoises, ne suffisant pas. Quel symbole !
La chasteté et la religion n'évitent pourtant pas les pires erreurs par les temps qui courent, mais la laïcité positive de notre sire Nicolas, ci-devant chanoine de Latran permet dorénavant le retour sur le devant de la scène des milieux les plus conservateurs qui soient, prélat orléanais en tête.
Avec des propos consternants de bêtise sur le préservatif et remise en cause de la loi Veil légalisant voilà plus de 35 ans l'avortement en France.
Loin de s'excuser, il s'est permis d'en remettre une couche aussi épaisse que son manque de discernement au soir du 08 mai dernier.
Du coup, c'est moi qui ai regretté de ne pas avoir poursuivi mon idée de l'accueillir avec d'autres militants comme il se doit :
- en chanson : " Le plastique c'est fantastique, le caoutchouc super-doux..."
- sous une pluie de préservatifs colorés et parfumés.
Voilà qui aurait pimenté comme il se doit cette face de carême !
Bref, mes idées ont vagabondé en aparté.
Et ma petite fille n'a pour l'instant qu'un seul but : prendre le bus.
La station où nous sommes, voit se croiser différents parcours, et donc plusieurs bus qui ne nous mèneront pas à destination.
Son impatience grandit tandis que le notre arrive enfin.
Elle bondit à l'intérieur et s'installe illico-presto, tandis que je prends nos tickets auprès du conducteur.
- " Dis Mamie, tu veux bien me donner le mien ? Je le montrerai à ma maîtresse et à mes copines "
.../...
Nous venons de dépasser l'objet des retard et vitesse " gastéropodique " de notre tortillard improvisé : une loco hors d'usage qui avait pris feu.
Notre train prend maintenant de la vitesse et Juliette s'extasie sur les " pâquerettes " qui défilent sous nos yeux.
Ce sont en réalité des champs de colza en pleine floraison.
J'explique la différence entre les deux fleurs à ma petite fille, attentive mais un rien dubitative.
Elle finit d'ailleurs par me rétorquer que de toute façon, elles sont jaune ou un peu jaune toutes les deux.
- " Alors c'est pareil, tu comprends Mamie ? "
Le sourire aux lèvres, j'abandonne de bonne grâce la partie à ma petite fille qui veut avoir le dernier mot.
Après tout l'important, était-ce le nom et la forme de la fleur ou bien ce jaune éclatant qui s'étale à perte de vue pour son plus grand plaisir ?
Les gares se succèdent.
Juliette a abandonné la contemplation du paysage pour sortir de ses poches les feuilles de platane qu'elle avait conservées.
Elle se met à les lacérer consciencieusement.
- " Je fais de la salade pour les escargots qui ont des coquilles rose et jaune, à côté de chez toi Mamie. Tu crois qu'ils vont aimer çà, ? "
- " Je ne sais pas, Ma Chérie, nous verrons bien, mais tu sais sur ces feuilles d'arbre, il y a certainement des produits insecticides "
- " Ah bon ? Alors elle va être "toxique" ma salade ? "
Je maîtrise du mieux que je peux mes sourire et étonnement.
Cette petite m'enchante. Elle aime les mots.
Encore une fois elle me surprend.
Son niveau de vocabulaire m'époustoufle et je me demande si en grandissant et à l'âge de l'adolescence, elle n'aura pas, elle-aussi, la tentation du minimum lexical.
Celui basé sur toutes ces onomatopées et injures sexistes entendues à longueur de journée, tant de la part des garçons que des filles d'ailleurs, dans les transports en commun que j'utilise lorsque le temps ne me permet pas de prendre ma bicylette.
Pour l'instant, je profite de tous les petits bonheurs qu'elle m'octroie, avec une fierté et un parti pris non dissimulés.
C'est MOI la grand-mère de ce petit personnage attachant, mélange de fée, troll et lutin !
Et je me console comme je peux, en me disant justement qu'étant sa grand-mère, elle me fera toujours les sourires qu'elle refusera pendant un temps à ses parents, daignera aussi continuer à m'adresser la parole avec un langage soutenu tandis que l'on aura encore ces fous rires complices.
Tous ces comportements qui m'agaçent prodigieusement lorsque mes plus jeunes filles se conduisent ainsi avec ma propre mère, leur grand-mère !
Est-ce cela d'avancer en âge et en sagesse ?
En tout état de cause, c'est un curieux héritage que cette attitude qui se perpétue de génération en génération.
Je n'échappe pas à la règle, mais je suis pour ma part, des deux côtés.
Et je comprends mieux, même s'il m'arrive parfois d'avoir encore du mal à relativiser.
Laisser partir ses ados qui vous vouent aux gémonies en tant que parent, vous attribuant tous les défauts de la Terre et plus encore, pour mieux les voir revenir comme vos enfants, grandis, mûris, adultes.
Mais combien de peur, d'interrogation, d'inquiétude, de colère, de calme relatif avant des tempêtes qui vous ballottent en des territoires que vous aimeriez mieux éviter !
Alors là, ne comptez pas sur eux, vos ados, pour naviguer en eaux calmes et claires.
La houle et le vent, l'écume des mots et des sentiments vous naufrageront bien plus souvent le coeur qu'à votre tour, mais il suffira d'une accalmie, d'un sourire, de quelques mots gentils et parfois d'échanges à peu près "cordiaux" pour que cela soit oublié jusqu'à l'avis de gros temps suivant.
Et pour moi, cela fait 20 ans que cela dure !
Ah l'inconscient, pourtant je ne m'appelle pas Ulysse, mais bon ...
Pour l'heure, la gare d'Orléans se profile.
Juliette se prépare avec excitation.
- " On va prendre le bus, hein Mamie ?
- " Mais oui, tu le sais bien, je te l'avais promis "
- " Mamie ? "
- " Oui ? "
- " Tu pourras revenir dormir chez moi ce soir ? "
- " Tu sais bien que ce n'est pas possible Juliette..."
- " Mais je vais être triste sans toi Mamie...Tu sais, j'aime bien quand tu dors à la maison ."
- " Ne t'inquiète pas ma Petite Chérie, il y aura d'autres vacances et je reviendrai, et toi aussi ."
Juliette saisit ma main très fort.
Nous descendons du train. Elle aime la gare d'Orléans, elle la trouve très belle.
Et puis, il y a le tram à côté et puis des bus...
Et oui, ma petite fille est une fleur des champs.
J'ironise intérieurement en pensant aux indices de satisfaction que pourraient obtenir notre maire et sa majorité municipale de droite avec des audits uniquement basés sur l'avis d'enfants de 4 ans.
Mais c'est là une autre histoire.
Direction la station de bus.
La rue de la République est pavoisée, les fêtes de Jeanne d'Arc approchant.
Je la laisse s'extasier sur les couleurs qui claquent au vent.
Quand elle sera plus grande, je la mettrai au "parfum".
Encore qu'elle, elle a la couleur de peau requise, mais pas de religion, alors...
Ces critères aussi spécifiques que ceux d'une mariée à la vertu sans tâche au fin fond des contrées les plus reculées en matière d'émancipation des droits des femmes à disposer de leur corps, sans qu'on vienne leur en demander compte, m'énervent chaque année.
Les matrones auraient même dit-on vérifié la réalité de la vertu de la Pucelle d'Orléans.
Pour le reste aucune Jeanne laïque noire ou métissée à l'horizon .
Etre Belle et Bonne fille dans l'Orléanais signifie, être vierge, catho, de bonne famille croyante et bien pensante...
Pour les autres, des nèfles et des guignes, vous n'êtes point de bonne extraction !
A la basse-cour les filles de serfs et de manants !
Religion et chasteté sont ainsi fêtées chaque année à Orléans !
Le courage attribué à une jeune bergère ayant bouté les anglais hors des terres françoises, ne suffisant pas. Quel symbole !
La chasteté et la religion n'évitent pourtant pas les pires erreurs par les temps qui courent, mais la laïcité positive de notre sire Nicolas, ci-devant chanoine de Latran permet dorénavant le retour sur le devant de la scène des milieux les plus conservateurs qui soient, prélat orléanais en tête.
Avec des propos consternants de bêtise sur le préservatif et remise en cause de la loi Veil légalisant voilà plus de 35 ans l'avortement en France.
Loin de s'excuser, il s'est permis d'en remettre une couche aussi épaisse que son manque de discernement au soir du 08 mai dernier.
Du coup, c'est moi qui ai regretté de ne pas avoir poursuivi mon idée de l'accueillir avec d'autres militants comme il se doit :
- en chanson : " Le plastique c'est fantastique, le caoutchouc super-doux..."
- sous une pluie de préservatifs colorés et parfumés.
Voilà qui aurait pimenté comme il se doit cette face de carême !
Bref, mes idées ont vagabondé en aparté.
Et ma petite fille n'a pour l'instant qu'un seul but : prendre le bus.
La station où nous sommes, voit se croiser différents parcours, et donc plusieurs bus qui ne nous mèneront pas à destination.
Son impatience grandit tandis que le notre arrive enfin.
Elle bondit à l'intérieur et s'installe illico-presto, tandis que je prends nos tickets auprès du conducteur.
- " Dis Mamie, tu veux bien me donner le mien ? Je le montrerai à ma maîtresse et à mes copines "
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