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07 Apr

" XI "

Publié par Circé  - Catégories :  #Souvenirs et Petite Histoire

" XI "...
Qu'est-ce que c'est que ce chiffre ? Et romain qui plus est ?

Une nouvelle bande dessinée parodiant la fin de " XIII " ? Non...
Une version inédite du magazine de football décoiffant légèrement une présentation éculée ? Pas cela non plus...

Alors ?
Le nouveau livre de Paulo Coelho ? Les dates anniversaire des 11 septembre, 11 novembre ? L'article onze de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du citoyen ? Non, non et non...
Raté, encore que ce dernier article me plaît bien :

" La libre communication des pensées et des opinions est un des droits le plus précieux de l'homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ; Sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi."

Il faut croire qu'en Chine, c'est un article inconnu et Hu Jia, comme bien d'autres avant lui vient d'en faire l'amère expérience.

Mais encore ?
Les onze officiers publics d'Athènes chargés de l'éxécution des sentences criminelles dans la Grèce antique ? Les onze apôtres après la trahison de Judas ? L'âge de Gavroche dans le roman " Les Misérables" de Victor Hugo ?

Non, non et non...Toujours pas celà...
Je vais arrêter là devinette et réponses hypothétiques.
Je ne suis pas le Sphynx de Thèbes présentant une énigme mortifère.
De la mythologie je n'ai que le pseudonyme et aucun pouvoir .
Dommage, cela aurait été un rien divertissant !

Imaginez un instant la scène ;
Transformation d'un troll épistolaire de ma connaissance, en ballerine à tutu rose,  mimant la mort du cygne sur l'air de Casse-Noisette...
Cela aurait pu avoir quelque allure...
Mais bon, de "pouvoir" je n'ai point, et c'est céans que je vais vous révéler la signification de ce XI.

XI (onze ou 11), c'est l'âge de mon dernier enfant, ma dernière fille qui au soir du 30 mars dernier a soufflé ses onze bougies d'anniversaire .

Poussinette, drôle de surnom je vous l'accorde, est ainsi née il y a 11 ans dans un hôpital public de la région.
Très entourée et attendue alors que la solitude était inscrite à notre programme Mère-Fille.

Cela a commencé par la présence de deux sages-femmes au lieu d'une.

Celle qui devait m'assister était, dans un premier temps, occupée à aider une autre femme à mettre son enfant au monde.
Cependant, prise sans doute d'une impatience aussi grande que soudaine à découvrir l'espace qui l'attendait hors de mon ventre, Poussinette avait décidé impromptu, et sans préavis aucun, de présenter le bout de son nez.

Aussi la collègue de la première "ventrière" avançant de toute urgence son service de 20 minutes était donc auprès de moi.
Dans le même temps, de l'autre côté de la paroi vitrée qui séparait nos deux salles, une jeune femme venait de devenir mère pour la première fois.
Son nouveau-né vagissait maintenant bruyammment dans ses bras.

En peu de temps, l'accoucheuse n° 1 leur avait apporté les soins qui convenaient.
Aussi, c'est pour ainsi dire guillerette qu'elle est arrivée "aux nouvelles" dans la salle où je trône, non pas en majesté, mais telle une furie prête à mordre ou à déchiqueter quiconque oserait poser la main sur mon ventre. 
Il est tard, presque minuit.

Aux deux sages-femmes sont adjointes deux puéricultrices.
Chacune la sienne.
C'est pourquoi ce sont quatre personnes qui sont désormais présentes.

L'anesthésiste qui doit par le biais d'une péridurale soulager les douleurs qui me naufragent arrive, accompagné d'un jeune assistant.
Seul hic, tout s'est accéléré rondement.
De telle manière qu'il n'a pas le temps d'exercer son art de piqueur en chef, ou de faire montre de son habileté de Maître " Es banderille " émérite à son disciple.
Quelques cheveux noirs et frisés confirment la non-ingérence thérapeutique des deux accolytes dans le processus de venue au monde.

C'est en souriant qu'il me demande s'il peut rester, doublé de son comparse.
Le magister souhaitant faire observer à son disciple la différence entre un accouchement "naturel" et un accouchement "sédaté" (sic).
Comme si j'avais le temps de penser à cela, s'il vous plaît messieurs, revenons à mon ventre !
Nous voici six.

Le praticien gynécologue-accoucheur, généticien à ses heures, "bébiologue" brillant et confirmé chez les femmes de plus de quarante ans, et qui suivait avec soin et attention ma couvaison, passe justement par là, me reconnait et décide de rester aussi .
Et comme il est assisté d'une infirmière qui calque son attitude à la sienne, nous voici huit.

Enfin, huit pas tout à fait.
Une amie d'enfance qui revenait de ses vacances provençales par le chemin des écoliers, avait décidé au pied levé, de toquer à ma porte.

Le temps pour moi d'entrebailler la porte de mon domicile le visage grimaçant, de lui coller d'autorité ma valise de bientôt ex-future mère dans les mains, tout en soutenant mon ventre-volcan entré en irruption, et la genèse de notre présence mutuelle dans cette pièce est expliquée.

Nous sommes donc arrivées :
- Moi soufflante, haletante et ahanante à merci telle une otarie en perdition sur un iceberg détaché de sa banquise originelle (victime du réchauffement climatique ?)
- Elle en tant qu'accompagnatrice embarrassée et involontaire mais désignée d'office, décontenancée toutefois par tant de précipitation.
Nous sommes donc dix et bientôt...Onze.

Précipitation...
L'anesthésiste-banderillomane, se prend pour un oreiller et cale mon dos de son épaule tandis que son aide de camp l'imite.
Une agitation fébrile règne dans la pièce.
Des visages dansent au-dessus de mon ventre et de mes cuisses, et tous les regards sont tendus vers la même issue .

Pudeur et intimité sont furieusement bousculées par Poussinette qui n'a attendu le feu vert de personne, et surtout pas ma permission !
La voici, chevelure épaisse et noir de jais qui se présente, effectue seule son quart de tour, rampe hors de mon ventre tout en poussant son premier cri.
Et...Silence...

Un silence épais et dense, lourd d'émotion, suspendu hors du temps, comme un arrêt sur image .
Un des ces silences dont on a envie de s'emplir et de toujours se souvenir.

Sans amoindrir l'immense soulagement que je ressens, je vois enfin avec beaucoup d'étonnement tous ces visages en dehors des " brume et feu de l'action ".
Bouleversés et attendris.
Magie ? Paix ? Quelques secondes hors du temps...

Une larme coule le long de la joue du jeune assistant-anesthésiste .
Il m'avoue embarrassé, la voix enrouée que c'est la première naissance à laquelle il a assistée.

Ma fille quant à elle bien que délicatement posée sur mon ventre n'a visiblement pas de temps à perdre et décide de ne pas en rester là.

En quelques mouvements de reptation elle arrive jusqu'à mon sein, l'attrape goûlument, et se met à téter avec application, yeux grands ouverts et petits poings fermés.
Au grand dam de la sage-femme qui n'a pas eu le temps de vérifier ses capacités respiratoires.

C'est ennuyée dans un premier temps qu'elle assiste à cette scène.
Très vite elle réalise que tout va bien pour elle .
La tétée gourmande et gloutonne est là pour le lui confirmer.
Elle décide simplement et calmement de nous laisser tranquille .

Une immense couverture nous entoure désormais et la pièce est vide.
Tout le monde a disparu, discrètement.
Nous sommes seules. 

Le petit visage fripé de ma fille porte une très légère et familière tâche de naissance au milieu de son front.
Sa soeur aînée possède la même.

Son petit corps chaud calé entre mes bras, j'emplis désormais, regards accrocheurs de présentation réciproque en prîme, mes yeux et mon coeur de celle qui vient de quitter le nid douillet de mes flancs.

Nous nous apprenons tous sens en alerte.
De l'odorat à l'ouïe, du toucher au regard, en quelques instants nous avons recréé un cordon ombilical invisible que nous apprendrons à effilocher mutuellement aux cours des années qui vont suivre.
Pour qu'un jour elle prenne son envol d'Etre, pensant, aimant, libre et indépendant.

Onze années se sont écoulées.
Je profite des derniers instants de l'enfance drôle et chaleureuse qu'elle m'a offerte en cadeau avant que l'adolescence légitime et nécessaire ne l'emporte loin de moi .
Que je ne trouve plus grâce à ses yeux pendant de longs mois, avant qu'elle ne revienne autre et définitivement ma fille. 

Alors, avant que tu ne m'interdises de t'appeler ainsi, Bon Anniversaire Ma Poussinette ...

 

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J
Coucou miss ! un moment sans commenter chez toi... Beaucoup de choses à faire, les tracas du quotidien....<br /> <br /> Mais une superbe éclaircie à la lecture de ce texte !!!<br /> <br /> A très vite...<br /> <br /> Johann
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K
Un magnifique texte Circé, merci !
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B
Je n'ai qu'un mot...Bravo...non deux...magnifique.<br /> Comme polyborus (oiseau de bon augure...) j'espère que tes filles ont lu ce texte.<br /> Un petit bélier, tout en entêtement, en affection et en générosité.
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S
Comme assez souvent ce blog m'en donne l'opportunité, je me laisse aller : encore une petite larme en fin de lecture...<br /> :-)<br /> Merci pour ce texte Circé. On se croirait dans la salle, à votre place ou avec vous, selon si on est homme ou femme je suppose. Mais surtout, on lit l'Amour d'une maman pour sa fille.<br /> ...<br /> J'espère que vous le lui avez fait lire ?<br /> :-)<br /> <br /> <br /> Mon fils a onze ans aussi, mais c'est mon aîné.<br /> Cette année-là, c'est une chanson qui a mis les mots sur le bouleversement survenu dans ma vie:<br /> http://www.dailymotion.com/video/x1q1ls_teri-moise-je-serai-la_music<br /> <br /> Bien à vous,
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" Pourquoi une Femme entière ne serait-elle qu'une moitié ? "