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06 Dec

Souvenirs pour sourire (II)

Publié par Circé  - Catégories :  #Souvenirs et Petite Histoire

Un goûter aujourd'hui c'est quoi ?images-copie-5.jpg

Quelques gâteaux ou viennoiseries, les uns comme les autres industriels ?
Une barre céréalière et/ou chocolatée ?
Et puis peut-être aussi un jus de fruits ou un yaourt, une compote ?
Le tout bien évidemment hermétiquement emballé sous vide d'air dans des étuis aux couleurs attractives, bouteille ou pack et paille de rigueur, ceci afin de mieux les consommer.

Quelque soit l'endroit où vous demeurez en France et quelque soit votre origine, c'est ainsi, rapide, pratique, hygiénique, à fourrer dans un cartable ou directement dans les mains d'un enfant, mais d'un tristounet à désespérer le Petit Poucet, endormir la Belle au bois dormant pour un siècle supplémentaire, faire rendre son tablier au Petit chaperon Rouge, démissionner le Chat Botté, fuir le loup, les trois petits cochons, toute la basse-cour des contes ainsi que les princesses et princes en devenir, en un mot vous faire friser la déprime, tant dans le choix que par le goût.

Dans mes souvenirs d'enfant, les goûters que nous ne manquions pas de partager, dans la bande de galopins que nous étions, nous faisaient voyager tant par les noms, que par les odeurs, les couleurs, les saveurs.
Bien entendu un goûter basique était composé de tranches de pain beurrées, surmontées d'une barre de quatre carrés de chocolat noir trônant en son centre.
Pas encore de chocolat au lait, rare et surtout onéreux.
Les confitures de fraise et d'abricot prenaient la seconde place sur les tartines et parfois en fin de mois, le sucre en poudre ou la poudre de cacao jouaient les trouble-fêtes.

Mais ce que nous aimions par dessus tout, c'était lorsque nos mères préparaient des gâteaux, aux recettes bien évidemment issues de leur terroir respectif.
Et comme nous étions tous de régions ou de pays différents, nos échanges culinaires et gustatifs ne manquaient ni de diversité, ni de nouveauté, ni parfois d'excentricité.

Et c'était drôle, amusant :
Les avis, disputes ou autres querelles gastronomiques étaient légion.
Savoir quel goûter allait le mieux allumé nos yeux gourmands, alléché divinement nos papilles enfantines, affriolé célestement notre odorat aux aguets, délicieusement enduire nos mains de mets hétéroclites et savoureux, bref nous faire saliver, se pourlécher les babines tels des loups affamés ou des ogres allouvis devant un succulent festin, était devenu un indispensable et incontournable rendez-vous.

Le gâteau flamand de Nadine rivalisait avec le gâteau battu picard de Brigitte.
Cela sentait le jaune d'oeuf et le sucre et fondait délicieusement sous le palais.
Le pain d'épices ambré, confectionné par ma mère, apportait ses notes de miel et de cannelle tandis que les beignets à la banane amenés par Henri exhalaient une discrète odeur de rhum et fleuraient bon les lointaines antilles.

Les baklavas aux amandes et au miel de Marie-claude ainsi que les mantecaos nous laissant la bouche saupoudrée de sucre glace, de Jean-Louis et Evelyne faisaient sensation .
Mais Didier et Michel ne manquaient pas d'apporter leur touche personnelle avec des makroutes à la semoule tendre et des cornes de gazelle embaumant la fleur d'oranger.
Enfin, Marc et Catherine avaient un franc succès avec de belles parts de panettone aux fruits secs.
Je vous fais grâce des macarons coco, bugnes, crêpes et autres pets de nonne.

Parfois, certain innovait.
Ce certain était plutôt une certaine puisque c'était moi.
A ma décharge, si décharge il devait y avoir, je souffrais à l'époque d'une scoliose récalcitrante qui résonnait désagréablement dans mon dos à chaque pas.
Le traitement prescrit était une nourriture réputée calcique :
Laitage et fromage.
Et comme je détestais le lait, c'est donc le fromage qui a été mon traitement.

Hérédité ou héritage familial, j'adorais cela.
Il faut dire que mon grand-père maternel était maître-fromager, et que j'étais ainsi à bonne école pour découvrir et apprécier différentes saveurs, même les plus fortes.

Or, donc, un jeudi après-midi, j'ai voulu faire montre de ma dernière trouvaille olfactive et gustative.
C'était une belle tranche de pain de campagne grillée agrémentée de fines et odorantes portions d'un magnifique Münster fait à coeur.
Pour qui connaît le Münster, le fumet entêtant bien que nauséabond de ce fromage n'est pas un mystère.
Sa pâte douce et fruitée en bouche compense allégrement cet inconvénient !
Encore faut-il avoir envie de le goûter...

Et c'est ce que fit Didier qui échangea quelques loukoums qu'il venait de recevoir d'une de ses tantes restées en Algérie contre une partie de ma tartine.
Mais c'était sans compter sur l'irruption aussi impromptue que soudaine d'un de ses grands-frères.
D'un vindicatif et tonitruant :
-"Mais qu'est-ce que c'est que cette odeur épouvantable, ça pue !" ,
il m'a passé à jamais l'envie de déguster du fromage en public et en particulier du Münster.

En une fraction de seconde, je suis passée du rouge à l'écarlate, et de l'écarlate au cramoisi.
J'ai eu beau expliquer que je n'étais pas en train d'empoisonner son frère par des expériences alimentaires aussi insolites que saugrenues, que je lui faisais goûter un fromage du pays de mon grand-père, que cela se mangeait et n'était pas "pourri", rien n'y a fait.

Fermement il a saisi son petit frère par le bras, lui a arraché le morceau de pain que je lui avais donné pour le remettre d'autorité entre mes mains.
Puis il a reconduit Didier abruptement et précipitamment chez eux.
J'ai appris ensuite qu'il lui avait vigoureusement lavé la bouche et interdit de tester quelque autre nourriture venant de ma part, à fortiori du fromage.

images-1-copie-1.jpgJ'ai eu honte pendant des mois.
Et malgré les suppliques de Didier qui voulait réitérer l'expérience, j'ai toujours refusé.

Aujourd'hui je suis réhabilitée.
Mon compagnon adore le fromage, TOUS les fromages.
Même le Münster.
Et il est Algérien

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L
Mon gouter à moi... c'était une mangue verte trempée dans l'eau de mer. Ou encore quelques poignées d eletchis sucrés, deu xtranches d'ananas, un gateau de patates chaud, le gateau de pain de maman fourré aux pruneaux... miaaam:<br /> <br /> http://livres-tendresse.blogspirit.com/archive/2007/05/05/la-madeleine-de-la-nymphette.html#comments
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C
Mes papilles en salivent déjà. Merci pour les références.J'essaie d'imaginer le goût de la papaye avec l'eau de mer...
H
il y a peu (enfin quelques années quand même) le gouter pour moi s'était des brossard trempés dans dun chocolat chaud en hiver, ou une barre de chocolat dans du pain et parfois sur une tranche de brioche l'été.<br /> <br /> Une petite pensée pour la biscotte beurée soupoudré de nesquick....
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C
Donc, voilà quelque soit l'âge nous avons tous des souvenirs particuliers.Cependant en très peu de temps la profusion de nourriture a fait son apparition et aujourd'hui, sur tous les étalages pratiquement on peut trouver des produits "exotiques".A cette époque, goûter des beignets à la banane ou des loukoums était étrange et extraordinaire à la fois.La découverte de la différence chez les enfants commence souvent par la nourriture et non par l'appartenance à une autre contrée. Le lien est fait ensuite.

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