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30 Dec

La Margotte au Georges. (XI)

Publié par Circé  - Catégories :  #Ecriture, #Chroniques Circéennes, #Enfance et Souvenirs, #Nouvelle

Anxieux, Georges attendait Louise. Il avait eu bien du mal à remettre sa pie au poulailler. Après le remue-ménage qu'elle venait de provoquer du côté de chez Mme Germaine, Margotte était énervée et en signe de protestation lui avait violemment picorer les mains. Georges sentait bien que cela ne pourrait plus durer très longtemps ainsi.

 

Ses parents et lui en avaient déjà longuement parlé. Margotte était une pie, un oiseau, un animal qui se devait de vivre avec ses congénères. Georges lui avait certes sauver la vie, mais il faudrait à un moment ou à un autre qu'elle retrouve sa liberté et les siens. Au risque sinon, pour qui connaissait le monde paysan, ne s'embarrassant guère d'inutile sensiblerie en ce qui concernait les animaux, que Margotte ne subisse un funeste sort. Qu'elle continue ses incartades et il s'en trouverait bien un qui, sans état d'âme aucun, lui réglerait définitivement son compte. Et cela, Georges ne le voulait à aucun prix, mais il n'était pas encore prêt à la voir partir et regagner le monde des pies et des oiseaux.

 

Louise rentra au bout d'une heure. Passablement agacée. Elle et Georges devaient rejoindre Maurice et les petits, chez les parents de Jacques et Marinette. Et cela les avait mis en retard. Sans compter que le bruit de la nouvelle extravagance de Margotte risquait bien de les précéder à la ferme. Définitivement sa réputation de vilaine bête, voire d'oiseau de malheur était faite et allait lui coller au plumage.

 

Louise devrait aussi interroger les deux petits. Elle détestait faire des réprimandes. Cependant, elle devait les mettre face à leurs responsabilités. Outre que les poules avaient dégusté ses belles salades au potager, Margotte s'était donc échappée, avec les conséquences que Georges et elle-même savaient. Il lui faudrait leur faire comprendre les répercussions de leur distraction. Et elle ne doutait pas que eux aussi, comme Georges, seraient malheureux comme les pierres s'il arrivait quoi que ce soit à l'oiseau. Quant à Maurice, rien ne garantissait qu'il continue à accepter que la pie reste chez eux. Même tenue au poulailler.

 

Les petits, c'étaient Marc et Faustin. Deux enfants que Louise et Maurice gardaient à l'année. Les parents de Marc avaient trouvé du travail à la Capitale, mais y occupaient un minuscule meublé qui ne leur permettait pas d'accueillir leur fils. Louise et Maurice leur avaient été recommandés par une assistante sociale. Et c'est ainsi que Marc était venu habiter chez les parents de Georges. A l'automne prochain pourtant, il partirait rejoindre les siens. Ceux-ci venaient enfin d'obtenir un appartement flambant neuf, en location, avec toutes les commodités : toilettes et salle de bain avec baignoire sabot. Un luxe ! Ils appelaient cela une HLM (Habitation à loyer modéré). Et ils résideraient enfin tous ensemble dans une petite ville de banlieue parisienne qui s'appelait Sarcelles.

 

Quand à Faustin, son arrivée chez Louise et Maurice fut des plus curieuses. C'est par un appel téléphonique à la poste du village que Louise fut contactée par un homme qui avait demandé à lui parler. Maurice qui était facteur de son état et présent au moment de l'appel avait répondu à l'interlocuteur mystérieux. Celui-ci après de brèves explications : un enfant de 5 ans à confier à l'année, lui laissa un numéro de téléphone sur Paris, à rappeler l'après-midi même, en PCV. Le fait que l'appel soit pris en charge par le destinataire de celui-ci, troubla Maurice. Mais Louise fut mise au courant et tous deux étaient présents lorsqu'elle rappela le numéro. La standardiste chargée de la mettre en relation avec son interlocuteur, la fit attendre, le numéro était occupé. Quinze minutes plus tard pourtant, le même homme qui avait parlé avec Maurice le matin même leur répondit. Louise et Maurice n'eurent guère plus de détails, notamment sur la façon dont celui-ci connaissait leur existence. La réponse fut évasive : le copain d'un ami qui lui avait parlé d'eux, sans cependant qu'aucun nom ne soit jamais cité au cours de la conversation. Mais rendez-vous fut pris pour le dimanche suivant où l'homme et sa femme viendraient leur rendre visite avec l'enfant.

 

C'est ainsi qu'au printemps précédent, l'arrivée de Faustin au village ne passa pas inaperçue. Une somptueuse et rutilante voiture rouge coupé sport et au moteur vrombissant, se rangea peu après midi, de l'autre côté de la rue située devant chez Louise et Maurice. Elle attira bien entendu l'attention des passants qui ne manquèrent pas de propager la nouvelle dans le village. Ainsi, curiosité piquée au vif, ils furent un certain nombre, dans l'après-midi, à déambuler du côté de la place de l'église, où était garée l'extraordinaire automobile.

 

Cependant, le personnage qui en sortit un peu plus tôt dans la journée, et qui se prétendait le père de Faustin était un grand et bel homme, aux cheveux gominés, et pour tout dire à la tenue fort apprêtée. Vêtu d'un costume bien taillé, sans doute fait sur mesure et dans une étoffe de qualité, il portait une fine moustache qui cachait en partie une cicatrice au coin de sa lèvre supérieure. Et il avait aux pieds, une magnifique paire de derby en cuir bicolore. La parfaite caricature de star de cinéma, mais avec ce je ne sais quoi de vulgaire dans l'allure, avec une assurance et un bagou tapageur, qui sentaient le marlou à dix mille lieues à la ronde.

 

Elle, était une jolie brune à la peau mate. Elle avait un beau visage, aux traits bien dessinés où brillaient de magnifiques yeux couleur de jade qui lançaient des éclats de lumière lorsqu'elle souriait. Malheureusement, elle était si outrageusement fardée, et sa bouche pulpeuse tellement peintulurée de rouge grenat, que sa beauté en était altérée. Pour compléter le tableau, elle était vêtue d'une jupe moulante trop serrée pour elle, et qui laissait voir à l'arrière fendu très haut, la jarretière de ses bas. Elle était aussi perchée sur des talons d'une hauteur vertigineuse qui lui donnait une démarche chaloupée. Quant à la veste qu'elle portait, elle avait du mal à dissimuler une poitrine généreuse et pigeonnante, à peine recouverte d'un tissu léger qui dévoilait, plus qu'il ne cachait ses formes.

 

Mais à l'arrière du véhicule, était assis, au milieu de l'étroite banquette, le visage encadré par les deux sièges avant, un garçonnet à la chevelure aussi brune que celle sa mère et aux mêmes grands yeux verts. Mais il était aussi timide et effacé que ses parents paraissaient être assurés et m'as-tu vu.

 

La condition des parents, ou déclaré telle pour l'homme, ne fit pas illusion, mais l'enfant fut reçu de même manière que tous ceux que Louise et Maurice avaient accueilli jusqu'alors en tant que parents nourriciers. C'est ainsi que Faustin, en quelques mois s'était épanoui, et qu'il ne restait que peu de traces de la réserve maladive qu'il avait en arrivant.

 

Mais Louise et Georges arrivaient à la ferme des parents de Jacques et Marinette. Louise y cherchait du regard son mari. Il lui fallait lui parler rapidement de l'incident, mais en s'approchant des convives occupés à découper le cochon, elle sentit que quelque chose n'allait pas. Tous faisaient sombre mine. Alors qu'en pareille occasion, les conversations étaient d'habitude animées et ponctuées de rires sonores, elles paraissaient bien ternes et surtout tristes.

 

C'est là qu'elle apprit la nouvelle.

 

Le corps de "J'ai soif", avait été retrouvé en fin de matinée, en plein milieu d'un champ de blé. Et les corbeaux avaient commencé leurs oeuvres.

 

 

La Margotte au Georges. (XI)
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